samedi 9 juillet 2011

LA FOIRE DU TRÔNE.




Tous les étés, à Paris, à la lisière du Bois de Vincennes, se déroule une grande fête foraine : « La Foire du Trône ». Au Moyen Age le bon roi, Saint Louis , non loin de là, sous son chêne, préparait « La Justice » exterminatoire des infidèles, galvanisant ses bons chrétiens dans l’attente du départ en Croisade. Aujourd’hui il est remplacé par les forains, leurs attractions, leurs baraques, leurs tréteaux, leurs manèges, leurs loteries et leurs jeux d’adresse. En bombardant des marionnettes en bois, on peut gagner le « gros lot ». Tout près de cette « foire », d’autres bateleurs préparent leur propre « foire au Trône ». Cela s’appelle les « Primaires » socialistes. Plus d’une demi douzaine de marionnettes cette fois bien vivantes mais à la langue de bois s’efforcent d’attirer le chaland. Il s’agit, pour chacun d’entre eux, de rassembler suffisamment de badauds pour leur faire la courte échelle pour la montée sur le Trône. Il n’y a pas de lot à gagner sur le champ. Seul, le vainqueur de cette périlleuse ascension, une fois bien installé dans son Palais, douillettement assis sur son siège royal promettra monts et merveilles (et même plus). Ce sera la fête. On rasera gratis.

Ce pauvre parti socialiste, serviteur loyal et incompris de la « Féodalité mercantile et financière », ne sait plus où donner de la tête (1). Reconnaissant son impuissance, la vacuité de ses discours programmes, il s’en remet « au Français ». Pas celui qui connaît son histoire et n’apprécie guère les funambules. Pas tellement, non plus, le français patriote, républicain, citoyen, militant ! Ce qu’il vise c’est plutôt le français ludique, joueur télévisuel, « Homo Festivus » électronique. Le français qui a une âme enfantine, qui a fait sa première communion, qui « croit » sans trop « penser ». Le français qui est fier de sa puissance lorsqu’il plonge sa main dans une urne électorale  comme dans un bénitier. Un « vrai français » en sorte. Nul doute que ce « jeu de têtes » des aspirants à la couronne ne se transforme très logiquement en foire d’empoigne.

 Fin de Parti(e) ?
                                    Quel courage ! ces hommes, ces femmes politiques qui se lancent dans l’arène alors que les « indignés » grecs et espagnols les vouent aux gémonies et que leur aptitude à monter sur les planches est contestée un peu partout. Considérés comme de mauvais comédiens, inaptes à toute « représentation », ils essuient, de la part du public, quolibets et injures. Le Théâtre de la Cité, celui des Champs Elysées vont  t il leur fermer leurs portes ? On a vu (2) la semaine passée que les aptitudes de certains d’entre eux, candidats au Bac, étaient largement insuffisantes. Faudra t il traduire le « Vous ne nous représentez pas », en un « Vous ne vous représenterez plus » ?

Au delà de l’inaptitude, la dangerosité du métier ne fait que croitre. Un projet de loi ne prévoit t il pas que ces « élus du peuple souverain », s’ils deviennent ministres, ou simplement membres d’un cabinet seront « responsables de l’usage des deniers publics ». (3) Comme si les deniers publics n’étaient pas, par nature, de l’argent confié, pour le bien commun, par le peuple, à ceux choisis par lui comme guides.  Comme si ces deniers pouvaient ne pas être utilisés par eux à bon escient. L’exemple de ce sénateur socialiste du Tarn, chargé en qualité de « questeur » des comptes du Sénat est parlant. Dans un souci très « primaire » de se faire comprendre de ses électeurs, il avait organisé, pour une petite centaine d’entre eux, deux repas politico philosophique dans les salons du restaurant tenu par sa fille. Bien entendu la note de 2400 euros était  à la charge naturelle du Sénat, en tant que frais de représentation du peuple par son guide. (3bis) Au même moment, le Conseil d’Etat, constatant cette incapacité des élus du peuple à assurer correctement leur mission, propose de « mieux associer le citoyen à la décision publique ». En clair, il faudrait que les « porteurs de la souveraineté populaire » respectent leurs engagements et expliquent leurs intentions avant toute décision. Un vrai scandale ! la ruine de la protection prévue par la Constitution au profit des élus et qui interdit tout « mandat impératif », le politicien pouvant agir comme bon lui semble  pendant la durée de son mandat. Notre bien aimé chanoine du Latran avait pourtant été clair. En 2009, il s’écriait : « J’écoute, mais je ne tiens pas compte. »(4)

De la « démondia (bo) lisation ».
                                                Il y a quelques décennies, un certain Gary Davis, pour souligner la force des liens naturels et des intérêts qui unissent indissociablement les peuples de la planète « Terre », se présentait comme « citoyen du Monde ». Le fait évident de cette interdépendance peut s’appeler « Mondialisation ». Ce que nous appelons aujourd’hui la « Crise » n’est que la gestion démentielle de cette « mondialisation » par le Capitalisme. Une autre mondialisation fondée sur la solidarité et la justice et non pas sur la guerre économique et sociale peut voir le jour. Mais le Capitalisme ne pourrait survivre à un tel bouleversement. Et donc, ses soutiers, les porte flingues de la Finance internationale que sont les Etats et leurs élus présents et avenir, ne peuvent qu’amuser le tapis. Les uns veulent démondialiser en « mettant les banques sous leur tutelle », les autres crient à la réaction. Ainsi l’homologue de l’ancien patron du Fonds monétaire international,  le socialiste Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, organisation mondiale du commerce, considère comme inéluctable la mondialisation capitaliste. En venir à un autre système est impossible. C’est un « concept réactionnaire » car le modèle capitaliste actuel est fondé sur « le porte conteneur et internet » (sic) (5). Pour un directeur de recherche à Science Po la « démondialisation » capitaliste est une idée « absurde qui de surcroit n’a aucune chance de voir le jour ». (6) Et pour mieux rassurer le bon peuple, un « Green Peace » de la finance, « Financial Watch », va faire contrepoids aux lobby de la finance à Bruxelles. Le constat est éblouissant. L’Europe est entre les mains des banques et des fonds spéculatifs. On lit : «  lorsque la Commission lance des consultations, 95 % des réponses proviennent de l’industrie financière ».(7) On imagine sans difficulté quelle va être l’influence de ce « contre poids ». Et pendant que les populations de l’Europe et du Monde font les frais de la « Crise », que les grecs et les espagnols manifestent contre leurs dirigeants soutiers de la Finance internationale, on peut lire une lettre de menace au peuple grec. Elle émane des « chroniqueurs économiques » de l’Agence Reuters. « Pliez vous aux exigences des banques et de vos élus, Ne soyez pas des enfants gâtés(sic) conduisant leur pays à la récession. Si vous vous obstinez votre niveau de vie baissera encore, Admettez que vous n’êtes pas irréprochables(sic), Vous étiez grassement payés dans le secteur public, Vous consommiez plus que ce que vous produisiez, vous preniez votre retraite trop tôt ». Quand on lit ces monstruosités écrites par des journalistes bien nourris au service  d’une officine anglo saxonne, on croit rêver. (8). Comment qualifier cette arrogance à l’égard de tout un peuple en plein désarroi ? Ces chroniqueurs stipendiés, porte voix de la Finance internationale, savent ce qui est bon pour leurs victimes et n’hésitent pas à les trainer dans la boue. Plutôt que de tenter d’analyser le comportement de leurs maitres, de faire apparaître ce qui a conduit à cette « Crise », ils menacent. Ils se refusent à voir que le système qu’ils valorisent et qui les valorisent est lui même une « Crise » permanente. Avoir pour règle de conduite la recherche du profit maximum, « donner la primauté aux intérêts des grandes entreprises industrielles et financières, faire de l’ « usager » des services collectifs publics une proie du « clientélisme », c’est à dire de la soumission aux intérêts privés ne peut que créer cette « Crise ». Comme l’écrit l’auteur de l’ouvrage intitulé « La Dette ou la Vie », le gouvernement grec, comme tous les autres, dépend du secteur privé pour son financement. Rien de surprenant, dans ces conditions que les investisseurs institutionnels (banques, assurances, fonds de pension, fonds spéculatifs se soient attaqués en 2010 à la Grèce, « maillon faible de la chaine européenne .(9) 

Le Mépris pour le plus faible
                        Dans l’actualité, un arrêt de la Cour de Cassation illustre ce mépris. Il s’agissait de dire si l’employeur pouvait fixer, pour certains salariés, n’importe quel horaire de travail, du moment que, sur l’année, il respectait, en les totalisant, les 35 heures hebdomadaires. Cette disposition inéquitable figure dans la Loi Aubry sur les 35 heures. Elle permet à l’employeur, alors qu’il se trouve, au terme du contrat salarial « léonin » en position de force, de faire travailler le salarié sans horaires de travail fixes  et autant de temps qu’il le souhaite.. Une des conséquences de cet accroissement de « dépendance » du salarié a pu conduire à la maladie, l’accident, voire, plus récemment, au suicide de certains cadres. Négligeant toutes ces considérations, la Cour de Cassation a maintenu ce dispositif aggravant l’inégalité du contrat salarial et confirmant la dépendance et l’affaiblissement du salarié. Poussant le cynisme jusqu’au bout de son dispositif, la Cour invite les employeurs à « mieux protéger la santé de leurs salariés » ; (10)

Ce mépris pour le faible et ce souci de l’affaiblir un peu plus par la crainte, la menace, la loi ou la jurisprudence est la règle. Déjà, en 1962, Un essai de bombe atomique avait mal tourné et de nombreux soldats , simples appelés, avaient été victimes de la radio activité, au su et au vu des autorités militaires et civiles qui ont gardé le silence. Aujourd’hui, à Flamanville, sur le site nucléaire de la future centrale « EPR », l’entreprise Bouygues omet de déclarer les accidents du travail dont sont victimes ses salariés. (11)

Il existe aussi un mépris qui s’exerce contre ceux qui ont peu de connaissances, qui n’ont pas fait d’études ni développé d’esprit critique, en un mot ceux qu’on accuse de faiblesse intellectuelle. Ce mépris agressif est souvent le fait de personnages qui se considèrent comme le « gratin du panier ». C’est ainsi que le philosophe autoproclamé, M. Onfray, spécialiste de la pensée binaire, s’en prend aux lecteurs de journaux. (12) Pour lui, ce qu’il appelle « le lecteur de base » « transforme souvent son quotidien en litière pour les chats ». Ce pauvre « lecteur de base » ne sait pas lire, ne comprend rien,  ne sait s’occuper que de excréments de son chat. Et puisque ce malheureux sans cervelle ne voit dans le journal qu’un papier poubelle ou un dévidoir de « catéchisme, de croyances et de préjugés », ces derniers ne peuvent être que des « machines à entretenir la paresse intellectuelle ». Mais alors, que dire de la littérature au poids ou au rabais ? Qui va savoir que M. Onfray a fourni aux boutiques de livres plusieurs douzaine de livres dont beaucoup ressemblent, en tout ou partie, à des journaux à scandale ou à des catéchismes? Qui saura que la psychanalyse est une non science, une thérapie frelatée mise en œuvre par un fidèle de Mussolini, un travailleur inféodé aux nazis ? Ce mépris pour ceux qui lisent et ceux qui écrivent dans les journaux est le signe d’une grande fatigue intellectuelle. Nous ne mépriserons pas le malade, pour autant.

Et ce n’est pas par ce que le mépris pour des salariés en grève apparait honteusement dans le journal qui nous sert de « remue méninges », que nous le considérerons comme simple objet de litière à chat. (13) Cet abaissement devant une législation inique concrétisée par un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat qui organise la destruction du service public de distribution des journaux concerne non seulement des salariés en grève mais aussi l’ensemble de la Presse marginale et non conformiste. En effet notre journal, comme bien d’autres de cette sensibilité, est pris à la gorge financièrement par Prestalys, sous prétexte, comme à l’accoutumée, de « stratégie financière ». C’est bien de la liberté d’expression et de diffusion des idées qu’il s’agit. Pour couronner sa lâcheté méprisante, le petit chef nommé par des rois de la finance s’adresse aux lecteurs, privés deux jours de leur quotidien, en les traitant d’ « otages ». Il n’y a que peu de chances qu’il paye la rançon pour les libérer.

Un peu d’air pur !
                                    Chronique Hebdo suspend son vol en juillet et en aout. Il va ruminer dans les alpages. Selon l’événement et l’humeur des membres de l’équipe, il se peut que paraisse sur Internet quelques commentaires bien sentis. Mais, chers auditeurs, lecteurs, ne vous méprenez pas. Il vous faut aussi respirer pour mieux entamer la rentrée des classes.  Et même, tout en respirant, lire Céline puisque le premier juillet 2011 est le cinquantième anniversaire de sa mort. Revigorantes, pétulantes, les aventures du « Voyage » et de « « sanglés dans votre substance ». Au temps de son procès, notre journal, Le Libertaire, avait interrogé ses lecteurs et de nombreux écrivains sur ce qu’ils pensaient du « Procès Céline ». L’un des lecteurs de notre journal répondait : « Merci au « Lib » et merci Lemaitre (secrétaire de rédaction) de rompre le silence dont la presse pourrie veut entourer le procès Céline. Bardamu est nôtre, et s’il fut anti-, c’est d’abord anti con ; c’est pourquoi il a tant d’ennemis. Merci encore une fois, et pour Céline et pour ses lecteurs. »

Vous pouvez même lire le numéro spécial »Eté » du Monde Libertaire.

AZ  7 juillet 2011
                       
1. « L’aveu d’un échec » entretien avec R. Lefèvre.  Le Monde 28 juin 2011 
2. « Ah les beaux jours »
3. « Ministres et …devant la Cour des comptes. Le Monde 1er juillet 2011
3bis. « le questeur indélicat » Le Monde 7 juillet 2011
4. « Un débat « alibi ». Le Monde 29 juin 2011
5. « Un concept réactionnaire » Le Monde 1 er juillet 2011 
6. « Refusons la préférence nationale économique » Le M. 30 juin 2011 
7. « Financial Watch » Le Monde  30 juin 2011  
8. «Lettre ouverte aux grecs » Le Monde 1er juillet 2011 
9. « Pourquoi la crise… » Le Monde 30 juin 2011 
10. « Pour des hraires « raisonnables » » Le Monde 1er juillet 2011
11. « Les irradiés de Beryl » et « des accidents occultés » Le M.27 et 30 juin 
12. « Les journaux » Le Monde 27 juin 2011 
13. « A nos lecteurs » Le Monde 7 juillet 2011