vendredi 18 novembre 2011

PROUDHON et L'ANARCHIE




PROUDHON ET L’ANARCHIE

«… Car si Proudhon est anarchiste, selon sa célèbre parole de 1840, il est aussi « ami de l’ordre » (philosophie du progrès.74)… » (1)

La Société Pierre Joseph Proudhon organisait, ce samedi 5 novembre 2011, son « Colloque international annuel ». Selon le président de la Société Proudhon, s’exprimant devant une quarantaine d’auditeurs, 3 rue Cabanis à Paris 14ème, c’était la première fois depuis la naissance de la Société que le nom de Proudhon était associé à celui d’Anarchie dans le titre de l’un de ses nombreux colloques. Il s’en étonnait, la Société Proudhon étant née en Mai 1982, il y a donc trente ans.
Trente ans sans que le père de l’Anarchie n’entende résonner ce mot autrement que dans les diverses et savantes analyses des nombreux conférenciers qui, pendant ces multiples colloques annuels, disséquèrent la pensée, la philosophie des mœurs de Pierre Joseph.

Enfin vint le jour tant attendu ou « l’Anarchie » fut au frontispice, accolée à son patronyme.  Malgré sa modestie bien cachée et ses doutes sur la vitesse à laquelle se construirait son idéal, il sourit aux anges de l’immanence.
Lui qui refusait d’être le chef d’un parti pour éviter de se voir entouré de « croyants » perclus de « confiance » et qui traitait les « proudhoniens » d’imbéciles s’aperçut qu’il pouvait y avoir quelques universitaires qui tentaient d’approcher, avec plus ou moins de succès, la cohérence et l’actualité de son propos.
L’exposé, notamment, dans lequel fut souligné le lien indissociable entre son « Idéal et son pragmatisme » lui plut. Qui d’autre, parmi ses contemporains, avait argumenté l’ineptie et la dangerosité des solutions utopistes communautaristes et des adeptes d’un système – clé en mains – (Marx), prêt à prendre la place, table rase en étant faite, de la « féodalité économique et financière ». A l’inverse, il fallait s’attaquer au réel, en décrire les éléments négatifs et positifs et imaginer, sans attendre un improbable « grand soir », des formes nouvelles d’organisation économique et sociale. L’idéal de l’Anarchie est contenu dans le concret et l’actualité de ses propositions de nouvelles formes de l’échange économique et de la relation sociale. Ce concret, c’est le « contrat » (foedus) qui remplace l’autorité de la loi et qui se traduit par l’égalité et la réciprocité dans l’échange des produits et services (mutuellisme) ainsi que dans toutes les autres relations sociales «(fédéralisme). La confrontation avec les structures et l’idéologie capitaliste sera dure. Dans ce combat il importera de ne pas se défaire de l’idéal, de l’arme de la liberté dans la justice : l’Anarchie.
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Une autre contribution toucha sa corde sensible. Toute sa vie, il avait voulu combattre la misère ouvrière, l’injustice, l’iniquité que constitue le salariat, ce contrat « léonin ». L’exposé sur l’influence que ses idées eurent sur le mouvement ouvrier de la seconde partie du 19ème siècle, et en particulier sur le syndicalisme révolutionnaire, le réjouit. Enfin, les classes ouvrières se défiaient de la camarilla politique. Sauraient-elles aller jusqu’au bout et ranger aux oubliettes cette caste arrogante, ces députés dont il fut et qui, pour lui, n’étaient qu’un simple « fait ».  Le « droit » dont ils se paraient était tout bonnement le droit de la « force ». Seront-ils capables, ces syndiqués qui semblent l’avoir compris, d’entraîner, à l’occasion d’élections, la majorité des déshérités dans une abstention massive, et mettre ainsi ces prétendus « représentants » du peuple « hors la loi » ? (2)

D’autres propos, au cours de cette journée qui lui était consacrée, le laissèrent de marbre. Ainsi s’assoupit-il quand il entendit prétendre qu’il avait mis en parallèle deux formes d’Anarchie, l’une négative, l’autre positive. Le fait qu’il ait, à l’occasion, utilisé le mot anarchie pour désigner le désordre, reprenant l’injure gouvernementale utilisée dans la langue populaire, signifierait qu’il élabora une théorie, un système, une morale fondés sur le désordre : « L’Anarchie négative ». Si désordre il y a, il résulte de l’oppression des pouvoirs et suscite révoltes et manifestations.

 C’est justement contre ce désordre, ce chaos économique et social, fer de lance du capitalisme, que Proudhon a bâti sa philosophie des mœurs, son Anarchie. De même, énoncer que « bien qu’anarchiste, il aime l’ordre » ou encore qu’après une période d’anarchie négative, il en serait venu à l’anarchie positive sont des non-sens. Conceptualiser une « anarchie négative », c’est faire de Proudhon (avant sa repentance) un adepte de la loi de la jungle, d’une liberté sans morale, l’assimilant ainsi au capitaliste ou au « libertarien ». 
Mais chacun pourra se faire une opinion sur le contenu des 7 contributions qui alimentèrent cette si intéressante réunion de la Société Proudhon que l’assemblée générale annuelle ne put se tenir. En effet les « actes du colloque 2011 paraîtront dans les mois qui viennent et peut être en mai 2012, puisque seront fêtés les trente ans de notre association.

Archibald Zurvan.
Membre de la Société Proudhon depuis 1990.

(1) Dictionnaire Proudhon P. 322 . Editions « ADEN » 44 rue Antoine Bréard  1060 Bruxelles.  Remarquons cet "aussi"qui laisse entendre l'existence de deux conceptions opposées de l'Anarchie! Une "coquille", sans doute...
 (2) A noter que le jeudi 10 novembre 2011 s'est tenue à Besançon une « Journée Electorale » de France Inter. Cette radio organise en effet dans 12 villes des réunions et débats en direct. A Besançon est invité, pour la préparation de la Foire du Trône (La présidentielle 2012), le député socialiste Moscovici, ancien porte étendard de Strauss Khan et désormais « harangueur » d’Hollande.  Dommage que Pierre Joseph soit absent.

















jeudi 10 novembre 2011

LA FOIRE DU TRONE


DIVERTISSEMENT ET PRIERE : LES ARMES DE LA « DEMOCRATIE »

Pendant ces mois d’été et d’automne 2011, les évènements nous aurons confirmé que la « Démocratie » avait, outre l’armée et la police, plusieurs cordes à son arc.  Ou plus précisément, ceux qui, en son nom,  prétendent avoir ou obtenir l’usage de la « souveraineté populaire », savent mettre en scène un spectacle « primaire » tout autant que délivrer, par les bombes, un peuple, d’une dictatoriale servitude, afin de lui permettre de se soumettre à la loi des « serviteurs » d’Allah. 


UNE VRAIE FÊTE « DEMOCRATIQUE »

Quel succès digne de Merlin l’enchanteur  que cette « foire primaire » socialiste, ce second épisode de La Foire du Trône  ! (1)
Trois mois durant des marionnettistes émérites se sont déployés « social démocratiquement » sur toutes les scènes de l’hexagone. Ils étaient six polichinelles à tenter d’éblouir le public. Avides de nouveaux jeux, de « talk shows », de parades de majorettes politiques, les médias se sont régalés. Les six saltimbanques ont su déployer leur talent. Leur pantomime fut sans faille, sachant habilement lier le geste à la parole. Ceux qui craignaient une belle empoignade furent déçus. Et pourtant,  la troupe des comédiens n’était pas soudée. La compétition pour le « trône » laissait présager un léger affaiblissement de la solidarité des chantres du socialisme multiforme. Il n’en fut rien. Mise à part quelques accents mis sur la mollesse, la « normalité », le charisme de certains batteurs d’estrade, la course au podium fut sans dérapage. Il est vrai que les spectateurs participant à ce jeu, à cette loterie sans gagnant parmi eux, furent à la hauteur. Deux ou trois millions de fidèles choisirent avec recueillement et fébrilité cachée leur aspirant au trône.

UN CHOIX POUR UN  DIVIN DEMOCRATE

Mais qui est-il donc, ce prétendant au trône élyséen qui enthousiasma la cohorte de religieux, fervents adeptes d’une souveraineté populaire déléguée à un grand (ou petit) prêtre ? Un écrivain tchèque, qui portraitura le « Brave soldat Chweïk » et créa, au moins en imagination, un parti politique « cohérent » et conscient de ses responsabilités à l’égard des masses, définissait ainsi l’ambition de ce parti de progrès social et de son chef : « Le Parti pour une réforme modérée dans les limites de la loi ». Tout est contenu dans l’appellation ! Et il est vrai que, sans avoir l’envergure du « Hollandais Volant » (2), le hollandais de Corrèze est à la bonne hauteur. Il soulignait  le 15 juin 2011 (Le Monde), au début de la « Foire »,  la nécessité d’ « avoir confiance dans la démocratie sociale ». Il précisait que cette « démocratie sociale » ne devait pas être considérée par la gauche comme son apanage, la droite s’y entendant tout aussi bien. Mais, ajoutait-il, «  l’Etat doit rester le garant de la cohésion nationale et de l’ordre public… » … « d’autant que souvent c’est la loi qui protège, et la liberté  des acteurs qui menace ».  En matière de « liberté d’expression », Hollande a inscrit dans son programme un projet de loi interdisant de nier, sous peine de prison, une vérité historique, le massacre du peuple arménien par les turcs. Ainsi, Il se fait fort d’imiter son collègue communiste Gayssot qui fit voter la loi liberticide punissant ceux qui nieraient l’existence des massacres des juifs par les nazis. Comme si la bêtise ou le mensonge méritaient la prison. Dans la même veine, le chanoine du Latran disait à un universitaire « populaire » que la liberté, c’était la « transgression »(3). La « modération dans les limites de la loi » est le signe rassurant de la « normalité » de l’aspirant au pouvoir. Et puis, il dispose de plusieurs « réservoirs d’idées ». Ce sont les fameux « Think Tank » qui, comme les « primaires », nous viennent tout droit des Etats Unis. Ils s’appellent « Terra Nova », « Les Gracques » (4) et sont composés de « penseurs » modérément réformistes venus de la Banque (Rothschild), du Conseil d’Etat, de l’Académie, des cabinets de Ministères (Rocard). En bref, une brochette bien décidée à aider notre modeste prétendant à accéder à la royauté démocratique. Ils lui feront endosser cette fameuse « tunique de Nessus » (5), ce cadeau dont on ne se débarrasse pas et qui aide à mener son peuple sur « le chemin du salut » (sic) grâce à l’augmentation de la TVA, la réduction du budget des collectivités locales, la baisse des salaires des fonctionnaires et l’amputation des dépenses sociales. (Le Monde  septembre 2011). Déjà, à leurs débuts, un des « Gracques », un certain Matthieu Pigasse (6) avait déclaré : « il est temps que le PS fasse sa mue idéologique et accepte l’économie de marché ».(3bis)

ALORS !...ON VOTE ?… démocratiquement

Eh bien voilà,  la fête de l’été est terminée. Ce fut  un beau foirail où s’exposèrent de solides bêtes de scène. Le marché était organisé  par un parti exsangue, incapable de mettre au point, lui-même, un projet « cohérent », un parti désemparé devant la cavalcade de ses petits chefs se bousculant au portillon pour endosser le maillot d’outsider dans la course au tabouret élyséen.  Au point que, ne sachant à quel saint se vouer, il implora la vile multitude de vouloir bien choisir à sa place. Le feuilleton était parfait. Cependant quelques mauvais esprits trouvèrent la faille. C’était un parti se reniant  aussi bien sur la question de la personnalisation du pouvoir, recette anti-républicaine, que sur celle de la concentration de l’autorité sans frein entre les mains d’un individu. Dans ces conditions peut-on dire que le suffrage universel, le vote, la remise, par délégation, d’un pouvoir absolu entre les mains d’un homme, si « normal » qu’il se trouve, ait un sens ?

Tant qu’il s’agissait d’une compétition entre acteurs de comédie politicienne, l’« Homo festivus », comme disait l’écrivain Philippe Muray, pouvait s’en donner à cœur joie. Choisir un cheval de course, un guignol de télé, c’était un pari spectacle sans grande conséquence. Plus déraisonnable serait de poursuivre ce qui n’était qu’un jeu sans grande portée, en allant choisir un « Président ». Mais la raison a-t-elle encore cours dans ce qui, d’une dérisoire mais festive réunion de parieurs, se transforme, par le bulletin de vote, en un pèlerinage de « fidèles » qui, religieusement, se donnent un maitre ?

Par cette interrogation, « Alors, On vote ? », il n’est pas question, ici, de dicter une conduite, de faire preuve de ce que Camus appelait l’ « Autorité d’entrainement ». C’est précisément  parce que les tenants du pouvoir politique ou financier nous font croire que notre pouvoir d’individu, notre importance, et donc notre devoir est de voter, c’est-à-dire de confier notre volonté, nos besoins, nos espoirs à des « spécialistes » plus capables que nous, et à qui nous devons faire confiance, qu’il appartient à chacun de nous de choisir ce qu’il a à faire, c’est à dire d’accepter ou non d’être marqué comme inapte à intervenir directement dans les affaires de la cité. Le geste qui s’attache à ce choix, et qui, pour les futurs élus, fait notre gloire et notre puissance, n’est pas seulement  un renoncement  mais un encouragement à ce que se perpétue l’injustice sociale.
Il est vrai que, lorsqu’on parle de « confiance », on entre dans le domaine de la foi, du sacré. Proudhon, répondant négativement à ses amis l’invitant à créer un parti proudhonien, expliquait qu’il ne voulait pas des fidèles lui faisant « confiance », s’abandonnant ainsi sans prise de position personnelle et raisonnée à une sorte de « croyance » en un homme ou un parti. A l’adepte de la confiance, source d’un éventuel renoncement voire d’un aveuglement, il opposait celui qui « pense », qui essaie de juger, de critiquer, de se faire une opinion personnelle. Croire ou penser, il faut choisir.

AU CROYANT EN UN DIEU DEMOCRATIQUE

A vrai dire, entreprendre de faire raisonner un adepte d’une quelconque religion, adorateur de Jésus, d’Allah, de Jéhovah ou de quelque gourou d’une secte, d’un parti ayant pignon sur terre ou dans les cieux, est pure forfanterie. Quelle outrecuidance, quelle démesure pleine d’orgueil que de vouloir convertir à la « pensée », à la raison, à la critique, celui qui est l’heureuse et consentante proie d’un dogme, d’un absolu, d’un « père éternel » ! Mais, comme diraient Charles le téméraire ou Guillaume 1er d’Orange, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Alors, entreprenons !

Le sociologue, Pierre Bourdieu, parlant du vote et donc de la délégation de pouvoir, considérait cette opération comme du « fétichisme politique ». Un croyant peut-il accepter sans sourciller ce culte des idoles, cette sorte d’idolâtrie condamnée par sa propre religion ? Comble de turpitude, le fétiche n’est pas une divinité céleste ou terrestre, mais un simple membre du troupeau humain. A quel titre, par conséquent, cette « idole », recevant par délégation le pouvoir qu’un individu lui confie, en l’invitant à l’exercer sous son contrôle et en son nom, pourrait-elle s’arroger impunément le droit de retourner ce pouvoir, qui ne lui appartient pas, contre le véritable détenteur ? Un tel abus, une telle escroquerie, ne sont-ils pas considérés comme « péché » par les Eglises ? Il n’est point que le lettré qui s’étonne de telles pratiques. Un simple lecteur ( Le Monde 4 octobre) écrit : « … ce que nous subissons aujourd’hui est le résultat des actions de nos élus et donc indirectement de notre vote…  nous pouvons toujours nous indigner et reporter la faute sur les autres, mais regardons nous dans la glace, le responsable, c’est nous… ». Cessons donc de pécher. Ne redoublons pas la faute, par une simple repentance. Il n’est pas utile de faire, dans l’actualité, la liste des manquements à la vertu des détenteurs de ce pouvoir qui était le nôtre avant la fatale décision de nous en dessaisir. Qu’ils soient assis confortablement sur le trône de notre monarchie républicaine ou simples laquais stipendiés des Institutions, le pouvoir que nous leur avons abandonné les a plongés  dans le stupre et la plus ignoble perversion. Alors, arrêtons de les avilir plus longtemps en nous avilissant nous-mêmes. De ceux qui font commerce de l’idéal de justice sociale, Charles Péguy disait : « L'idéal, c'est quand on peut mourir pour ses idées, la politique c'est quand on peut en vivre. » Quant à Hannah Arendt, elle complétait : « Les Républiques meurent du rire et du mépris des peuples pour leurs dirigeants ». Alors ne succombons pas à la tentation de fabriquer, en allant aux urnes, de nouveaux pantins méprisables et délivrons nous de ce mal. Même nos évêques, se disent « cruellement consternés » par le climat produit par les « affaires » (Le Monde octobre 2011).

AUX HOMMES ET FEMMES « » LIBRES »

Il n’est pas facile de se « débarrasser du Sacré », disait Stirner. Ceux ou celles qui ont réussi, même provisoirement, dans cette tâche sont, en principe, plus perméables à la raison, à une argumentation fondée sur le réel. Les faits sont têtus. Sauf à pratiquer la politique de l’autruche, à se plonger la tête dans le sable ou dans le ciel, la réalité de tous les jours nous touche de plein fouet. Notre vie au quotidien est conditionnée par le fonctionnement de la Société où nous évoluons, à laquelle nous participons, et par le comportement de ceux qui prétendent la diriger en notre nom. Le constat, illustré chaque jour, que nous pouvons faire de ce comportement nous conduit à douter de leur capacité à mener à bien la tâche que nous leur avons confiée. Il en résulte que nous avons à chercher d’autres modes de fonctionnement dans lesquels nous nous impliquerions plus directement, plutôt que de donner un blanc- seing , « à l’aveugle », à des personnages que la Constitution nous interdit de contrôler pendant leur mandat. Si nous donnons notre pouvoir à un autre, c’est sous la réserve qu’il n’exécute que la mission précise et limitée que nous lui avons confiée et que nous puissions à tout moment nous assurer qu’il l’exécute selon notre volonté.
La conséquence de cette limitation du pouvoir délégué, de sa primauté locale et non nationale, est la disparition de ceux qui se prévalent du titre ronflant de « représentants du peuple », et qui, de fait, constituent une catégorie bien à part et dont la distance avec ceux dont elle prétend avoir la charge n’a fait que s’accroitre. Aussi bien, nous sommes responsables de l’avoir installée, symbole tragique, dans les palais de la Royauté, de l’avoir fait succomber à la tentation de s’acoquiner aux plus riches et aux plus conservateurs de l’élite financière, économique et intellectuelle. Et ceci, entre autres félonies, et vieille référence à l’empire napoléonien, en acceptant qu’elle conçoive la justice sociale comme une construction condescendante de « bureaux de bienfaisance ».

Ne nous étonnons pas , dans ces conditions, du coup de gueule de Libertad (7)
LE CRIMINEL, C’EST L’ÉLECTEUR ! TU TE PLAINS ; MAIS TU VEUX LE MAINTIEN DU SYSTÈME OÙ TU VÉGÈTES Tu élabores tout et tu ne possèdes rien ? Tout est par toi et tu n’es rien. Tu es l’électeur, le votard, celui qui accepte ce qui est ; celui qui, par le bulletin de vote, sanctionne toutes ses misères ; celui qui, en votant, consacre toutes ses servitudes. Tu es un danger pour nous, hommes libres, pour nous, anarchistes. Tu es un danger à l’égal des tyrans, des maîtres que tu te donnes, que tu nommes, que tu soutiens, que tu nourris, que tu protèges de tes baïonnettes, que tu défends de ta force de brute, que tu exaltes de ton ignorance, que tu légalises par tes bulletins de vote, — et que tu nous imposes par ton imbécillité. [...]Nous autres, las de l’oppression des maîtres que tu nous donnes, las de supporter leur arrogance, las de supporter ta passivité, nous venons t’appeler à la réflexion, à l’action.

Cet appel à la réflexion et à l’action peut-il avoir un écho chez ceux qui, sans servir un dieu ou un gourou, sont tout simplement indifférents . Ils « ne font pas de politique ». « C’est trop compliqué ». « Les voisins vont bien voter, eux ». Ce comportement grégaire,   Zo d’Axa dans « Bêtes sacrées » l’évoque : On ne raisonne pas, on trotte, on suit la mode, On se laisse toujours conduire, influencer,
Et comme tout le monde on agit, c'est commode,
Puis ça ne donne pas la peine de penser... "
« Ils ont voté…et puis après », chantait Léo Ferré.

Pas la peine de penser ! Alors quel stimulus employer pour débloquer la mécanique ? L’actualité des images et des mots ? L’exemple de ces peuples arabes d’Egypte, de Libye, de Tunisie, qui se sont levés contre l’arbitraire et la férocité de leurs gouvernants - que ceux-ci soient des dictateurs ou des produits démocratiques d’un vote - et qui sont convoqués à nouveau par des aspirants à la succession, est-il assez éclairant ? Déjà le résultat du récent vote tunisien démontre sa nocivité. Tombant de  « Charybde en Scylla le peuple « souverain » de Tunisie change de joug.…….une « charia », constitution de la soumission, ne peut que faciliter la tâche du chef». La « Justice » du Dieu de la résignation et de ses sbires va remplacer celle d’un tyran qui exerçait son autorité criminelle à titre personnel. L’avantage des futurs dirigeants de la Lybie ou de la Tunisie, c’est qu’ils pourront se dédouaner plus aisément de leurs méfaits puisque ces derniers ne peuvent être inspirés que par Dieu. « Islam », traduisait Proudhon, signifie « Résignez-vous ». Triste et dérisoire épilogue d’un « printemps des peuples. Un espoir de révolution, qui n’accoucha même pas d’une « sourate », Il ne faudrait pas qu’un jour on dise : il ne « charia » que la servitude !

DEMOCRATIE ?  Qu’est ce ?

Un bulletin de vote ?

Pour ceux qui tiennent les rênes de l’Etat et leurs acolytes, la démocratie est une formalité. Le bulletin de vote une fois déposé, la démocratie règne. Le peuple a librement fait son choix de ceux qui sauront le conduire : il n’a plus à intervenir ; il attendra la prochaine « consultation » pour agir. Pendant ce temps (3,5,7 ans) ses critiques à l’encontre de ceux qui, selon lui, ne respectent pas leur parole et agissent à l’inverse de la délégation du pouvoir qu’ils ont reçus, seront sans effet. «  Cause toujours… », dit la Constitution, et patiente quelques années pour choisir, en toute « confiance » un autre « spécialiste ».

Alors, si tu ne peux renvoyer celui qui t’a trahi, il ne reste qu’à éviter de participer à une sorte de contrat « léonin » fondé sur l’inégalité des contractants. L’électeur est donc le « dindon de la farce. Le suffrage, disait Proudhon, est « menteur et charlatan ». En outre le fait de ne pas prendre en compte les idées et propositions de la minorité et de l’éliminer purement et simplement est une injustice. Le droit de majorité, disait-il, est le droit de la force.

Dans ces conditions la véritable action positive de celui à qui on demande de renoncer à son pouvoir et à le distribuer aveuglément à un inconnu est l’abstention ; « Songez à la portée de cet acte », dit Proudhon, « l’abstention, c’est la mise hors la loi »…de ceux qui veulent vous persuader de leur confier un pouvoir qu’ils exerceront contre vous.

La Liberté ?
Si être libre, c’est abandonner tout ou partie de son pouvoir, le vote est un acte
Libératoire ; je suis libéré d’un fardeau, de mes responsabilités, de ma singularité et de ma capacité d’acteur social ; alors, en effet, la liberté, c’est la servitude volontaire, dirait La Boétie. En tant que mécanisme formel, dit de représentation, le suffrage universel n’a donc rien à voir avec la liberté. La « démocratie », dans ces conditions, définie par le vote, n’est pas la liberté. Castoriadis la nommait : « Démocrature ».

La Justice sociale ?
Pour maquiller toutes les injustices, « démocratie »  est un mot à la mode. Il sert aux tenants du pouvoir à justifier leurs comportements, si injustes soient-ils. Ainsi, la « démocratie » dans l’Entreprise consiste à faire croire au salarié qu’il a son mot à dire dans la gestion de sa société et que l’actionnaire, qui lui a dérobé le fruit de son travail, va lui en rendre quelques miettes. On parle alors de « pseudo démocratie » (Le Monde 25 10 11). Mais en existe-t-il une « vraie » ?  Même un éminent philosophe allemand, Habermas, emploie à plusieurs reprises le mot magique pour tenter de justifier la création d’une « vraie gouvernance européenne » pour sortir de la crise financière. Peu importe les effets désastreux pour la majorité des européens de 50 années d’Europe, au Pères fondateurs emblématiques : Un banquier et un politicien conservateur qui voulait être prêtre catholique . (8) .

Les  Mouvements « Indignés » qui, en ces temps orageux, bousculent la planète montrent que la démocratie, qu’elle soit « pseudo » ou « islamiste » (Le Monde 25 10 11), n’a qu’un rapport très éloigné avec la justice, au sens du respect de la dignité humaine et de sa défense. Chaque jour l’actualité politique et sociale est totalement centrée sur la Finance et les banques. Aujourd’hui, l’affolement gagne les milieux politico financiers pour une raison en rapport direct avec la notion de « souveraineté populaire ». Les Grecs sont invités à répondre à la question : « Quelle est la couleur de la corde avec laquelle vous souhaitez être pendus » ? (FR3 22h 30 le 1.11.11). Quel scandale que de faire un pied de nez aux banquiers et à leurs valets politiques qui venaient de prétendre avoir sauvé leurs peuples en se pliant, une fois de plus, aux oukases des financiers mondiaux. Il n’est pas question que la Grèce, symbole créateur de notre civilisation, se mêle de ce qui ne la regarde pas. Le suffrage universel ? D’accord, mais « dans les limites de la loi financière ! L’Etat grec sera bien obligé de faire appel à une nouvelle dictature des « Colonels ». 

Il n’est pas que les Indignés de 2011et l’immense majorité des peuples qui ne supportent plus la dictature des banques et qui condamnent ceux qui, affligeants laquais élus des agences de « Notation financière », ne les « représentent plus : ces « indignés » qui en s’exprimant ainsi veulent les écarter de la gestion de la Société.
Un lecteur du journal « Le Monde » (mardi 1er novembre 2011) cite un président des Etats Unis qui régna entre 1801 et 1809, Thomas Jefferson.
«…  je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple permet, un jour, que des banques privées contrôlent sa monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleurissent autour des banques, priveront  les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis ».
« Démocratie », ce mot valise (de billets de banques) semble prêt pour une nouvelle définition.

Archibald Zurvan  Le 1er novembre 2011.

(1) voir l’article du 6 juillet 2011 intitulé « LA FOIRE DU TRÔNE »
(2) Vaisseau fantôme ou joueur de football hollandais
(3) Entretien à l’Elysée, entre Michel Onfray et Nicolas Sarkosy dans la revue  « Philosophie Magazine » N° 8 d’avril 2007
(4) Terra Nova et les Gracques sont deux réservoirs d’idées (Think tank) au service du parti socialiste.
(5) Présent funeste, cette tunique empoisonnée colla à la peau d’Hercule et causa sa mort.
(6) Matthieu Pigasse, actionnaire du journal « Le Monde », Ancien fonctionnaire au Ministère des finances, chargé de la Dette et de la Trésorerie de la France. Ancien directeur de cabinet de Fabius et de Strauss Kahn. Ex directeur général délégué de la banque Lazard frères, administrateur des Casinos (maisons de jeux) du groupe Lucien Barrière.
(7) Libertad Albert,  « L’Anarchie N° 47, 1er mars 1906
(8) Jurgen Habermas : « Rendre l’Europe plus démocratique » (Le Monde 26 10 11). Les admirables pères : Jean Monnet, Robert Schumann.