jeudi 21 février 2013

SCIENCES PO : LES MALVERSATIONS D'UN PRÉSIDENT


SCIENCES  PO : LES « INDIGNÉS » du « HAUT DU PAVÉ »
En ces temps de tempête sociale et de protestations contre la misère et ses agents, on aurait pu imaginer que les problèmes posés aujourd’hui par le vivier des gouvernants de la République soulèvent des « indignations » de fond. Il n’en est, malheureusement, rien. Ce sont les affirmations de la Cour des Comptes, mettant directement ou indirectement en cause le président gestionnaire de l’Institution, Jean Claude Casanova, qui ont suscité l’indignation et la colère  d’un groupe  de notables de toutes obédiences, figurant parmi les tenants du « haut du pavé » de l’intelligentsia de l’hexagone… et d’autres sphères. (1)

« La Calomnie, Monsieur… »

On peut lire dans « Le Monde » du 16 décembre 2013 :  « Jean Claude Casanova, président de la Fondation Nationale des Sciences politiques, est très injustement traité par les médias. Nous avons voulu lui manifester notre soutien et notre estime.  Nous sommes choqués de la manière dont plusieurs médias ont parlé de Jean Claude Casanova à l’occasion de la crise de  Sciences Po. Nous sommes témoins de la passion de Jean Claude Casanova pour le Bien Public, de son intégrité personnelle, de son désintéressement. La revue « Commentaires », qu’il dirige depuis 1982, dans un esprit de vérité et d’impartialité, est reconnue internationalement comme l’une des plus sérieuses revues européennes. Nous ne pouvons admettre, sans en être blessés et indignés, qu’on fasse courir sur cet homme éminent des insinuations insultantes. »

Ce texte a été signé  par trente sept « indignés ». Parmi eux, d’anciens ministres, des professeurs, des écrivains, des journalistes, des chroniqueurs radiophoniques. Aucune de ces « insinuations insultantes » n’est citée. Aucun fait, aucune parole repris par les medias ne sont simplement évoqués. Le rapport de la Cour des Comptes, qui est sur la place publique depuis des mois leur est inconnu. Comment expliquer une telle paralysie intellectuelle ? Comment interpréter un tel cri de douleur accompagné d’un certificat de bonne conduite ?

CASANOVA dessin de Fellini
à ne pas confondre avec le faux...
EN MAJESTÉ  
                                                                                                      Peut-être cela révèle un désir de ne pas voir entachée la majesté du personnage. Un petit comptable, qu’il appartienne ou  non à une Cour (des comptes) ne saurait s’en prendre à un éminent homme de Cour. Nos nouveaux ou anciens présidents rois l’ont adoubé sans réserves.  En 2007, Sarkozy le nomme membre du Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions. Il est nommé en juillet 2012 membre de la Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique créée par François Hollande. Comment un personnage chargé par nos deux chefs d’État de participer à la « modernisation des institutions pour qu’elles retrouvent un équilibre, et à la rénovation morale de la vie publique pourrait t il être victime des plus honteuses insinuations ?


LE RAPPORT 
Les contrôleurs comptables n’insinuent rien. Ils constatent et interprètent. La logique et les règles comptables veulent qu’un président d’une Fondation, chargé de « gérer » une école (en l’espèce Sciences Po) ne puisse se dispenser d’assurer cette gestion. La sévérité du rapport de la Cour des comptes, qui va jusqu’à envisager des poursuites judiciaires et la saisine de sa propre Cour de discipline budgétaire et financière, n’est pas sans fondement. On peut y lire que les irrégularités font florès : « Primes exorbitantes, absence de contrôle, petits arrangements entre amis, gaspillage de ressources publiques »  (expressions tirées du rapport de la Cour des Comptes). Parmi ces « anomalies » : Des enseignants chercheurs assurant 30% de leur service et payés 100%. Un président, J C Casanova, doublant sa prime et à effet rétroactif. Un directeur fixant sa rémunération annuelle à plus de 530 000euros. Des prêts « spéculatifs et dangereux » contractés par l’IEP, sous la houlette du banquier, président de l’Institut d’études politiques,  Michel Pébereau.  Ce dernier vient d’annoncer sur Radio Classique, qu’il renonçait à demander le renouvellement de son mandat en mars 2013.

EN INTERNE : 

Les conseillers à la Cour des Comptes ne sont pas les seuls à critiquer l’action et le comportement des responsables de la gestion de l’École.
Le samedi 20 octobre 2012, une syndicaliste de sciences po et deux enseignants chercheurs publient un texte sous le titre : « Sciences Po doit en finir avec le fonctionnement clanique de sa direction » … ce qui fait problème dans le fonctionnement de Sciences Po : une pratique qui privilégie l’opacité, l’entre soi, et un certain mépris pour les personnels qui font vivre l’Institution… la ligne de défense : un mélange de mépris pour les questions posées en interne et d’attitude outrée devant des critiques émanant de forces extérieures… étouffement de tout débat, procédures verrouillées…
Le 27 novembre 2012, une assemblée de personnels de Sciences Po (en fait une centaine de personnes sur plus de 1000 salariés) votant à main levée ont demandé « au président du conseil d'administration (Jean-Claude Casanova) et au président du conseil de direction (Michel Pébereau) de présenter leur démission ». Sans succès bien entendu.
Le jeudi 29 novembre 2012 Nicolas Jounin, enseignant chercheur en sociologie (Université Paris 8 St Denis) écrit : « Il est temps d’en finir avec Sciences Po.  L’État n’a pas à financer l’entre soi élitiste.  On ne dit pas ce qu’on a fait à Sciences Po mais plutôt j’ai fait Sciences Po. L’établissement n’est pas l’outil d’un apprentissage mais une fin en soi. Rituel d’intronisation et point de contact des futures élites… »
Dans « Le Monde » du 28 décembre, un article demande le départ de J C Casanova. Il est écrit par deux directeurs de recherche et un professeur d’université, tous trois exerçant leur activité à Sciences Po. Il s’agit de Caroline Postel-Vinay, de Olivier Borraz et de Claire Andrieu.
Le Mercredi 30 janvier 2013, cette déclaration : « J’ai mésestimé le fait que je n’appartiens pas à l’élite du pouvoir » :  Pierre Mathiot, directeur de l’IEP de Lille renonce à se présenter à la tête de l’institution parisienne… j’ai renoncé en regardant ce qui s’est passé depuis 8 mois et les rapports de force dans les collèges électoraux… je ne partage pas les valeurs et les certitudes de cette élite… à la question « que pensez vous du fait que certains professeurs et des organisations étudiantes réclament le départ des dirigeants ? » ,  il répond : ce qui guide la démarche des dirigeants actuels est de conserver le pouvoir. L’influence dans sciences po et à partir de sciences po, est au principe de l’existence sociale et professionnelle de ces dirigeants, sur le même plan que leur conviction absolue d’avoir toujours raison.
A cela s’ajoute, pour d’autres de ces dirigeants, l’intérêt objectif de conserver des positions qui assurent un très bon salaire, une visibilité dans l’espace social et des conditions de travail sans équivalent au sein de l’enseignement supérieur. On retrouve beaucoup d’arrogance, une vraie conscience de classe et, pour tout dire un très fort conservatisme…
… On doit se demander si une élite formée à l’abri des difficultés du monde et de la connaissance intime des différences, est la mieux armée pour affronter des situations inédites demandant des solutions innovantes …   Aux critiques de la Cour des comptes et des médias  les dirigeants de Sciences Po répondent par le mépris. Cela   … symbolise des réactions de repli, alors qu’on pourrait attendre que se développe une réflexion, et,  peut être une remise en question de certaines pratiques…
EN EXTERNE 
Quant aux IEP (Instituts d’études politiques) de province  et les Universités, ils sont ignorés et méprisés par Sciences Po Paris. Il est à craindre qu’on risque de ne retenir que les acrobaties de quelques notables destinées à "obésifier" leur portefeuille. Mais ce n'est qu'un à-côté, une espèce de dommage collatéral de la haute idée que les gestionnaires d'une telle institution se doivent d'avoir d'eux-mêmes. L’ « arrogance » relevée par un député après avoir entendu Jean-Claude Casanova et Michel Pébereau n'est pas un vice accessoire. Elle est la contrepartie nécessaire d'un projet d'établissement qui, depuis cent quarante ans, sape l'égalité des chances.

Sciences Po a créé des succursales en économie et en politique. Cela lui permet d’étendre son champ d’influence, même si leur utilité est contestable. Ainsi en est-il du CEVIPOL.  Là encore, pas question de demander leur avis à ceux habilités à participer au choix d’un directeur.   Au CEVIPOL  (centre de recherches politiques de Sciences Po), la politique « est un sport de combat ». Un nouveau directeur désigné par Jean Paul Casanova « pilote » d’un comité de cinq membres obtient un avis favorable du « Conseil » du CEVIPOL. Mais cet organisme est aussi sous la Tutelle du CNRS et pas seulement sous celle de Sciences Po. Le CNRS conteste la régularité de la procédure suivie. Motif : le candidat a été choisi par le comité « ad hoc » ( cinq membres) piloté par Casanova, au lieu d’être choisi par le Conseil du CEVIPOL dans son entier. Le CNRS précise : Ce sont des façons de faire totalement inhabituelles. Les gens de Sciences Po veulent faire leurs petits arrangements avec leurs comités « Ad Hoc »  (Le monde samedi 12 janvier 2013-02-11)
L’ÉTAT
Dès la parution du rapport de la Cour des Comptes l’État déclare placer l’Institution « sous tutelle ». On pouvait penser que cette « tutelle » exceptionnelle serait plus sévère que la tutelle habituelle à laquelle sont soumis tous les organismes dépendant de lui. Or la première mesure demandée aux responsables de Sciences Po fut simplement ignorée.
Le 3 septembre 2012 la ministre de l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, avait demandé aux deux présidents des instances délibératives, le FNSP qui gère l’IEP, Jean Paul Casanova pour le premier et Michel Pébereau pour le second, d’attendre le rapport définitif de la Cour des Comptes pour désigner un successeur au directeur décédé. Passant outre la demande de la ministre, Casanova et Pébereau désignèrent un directeur dans des conditions contestables. Au point qu’un des 24 candidats, Bruno Toussaint avocat au barreau de Paris,  projette d’attaquer la décision en justice. Il précise : la délibération de l’IEP (géré par le FNSP) apparait grossièrement illégale. Quand une procédure est décidée, elle doit respecter un certain nombre de principes, l’égalité des candidats et la transparence. Cela n’a pas été le cas.
Quant à l’État ses liens, pour ne pas dire sa connivence avec l’équipe au pouvoir à Sciences Po, apparaissent notamment dans son refus d’accepter le projet de la Cour des Comptes de revenir, pour le réformer, sur le statut de l’Institution. La ministre de l’enseignement supérieur est simplement invitée à adresser un courrier à Mrs Casanova et Pébereau en leur demandant de s’engager par écrit à mettre en œuvre les recommandations de la Cour. Elle peut  douter de « l’engagement » des deux patrons de Sciences Po.
Il est vrai que, déjà sous Sarkozy, le ministre de l’enseignement supérieur était habitué à obéir aux ordres de l’Élysée. C’est le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant qui, après avoir accepté les demandes budgétaires du directeur de Sciences Po, écrivait à son ministre de l’enseignement supérieur : « je vous propose d’accorder à l’IEP de Paris les subventions qui sont demandées par son directeur : 2009 : 59 millions, 2010 :63 millions, 2011 : 66millions, 2012 : 68 millions. »
L’État a nommé comme administrateur provisoire de Sciences Po un conseiller d’État, Jean Gaeremynck, issu de l’ÉNA promotion Voltaire, celle de l’actuel président de la République.  Il semble que sa mission soit de courte durée, sauf à contrôler le nouveau directeur. On peut lire en effet, le 17 février, qu’un nouveau processus de désignation d’un directeur a été lancé. Sur 32 candidats, un comité de recherche doit en auditionner six avant de prendre sa décision. Le choix est déja fait. Inutile, pour le sommet de l’État de s’embârasser de procédures futiles qu’il a mis en place. Un nouveau venu s’est découvert, le31 janvier 2013 une vocation de directeur de Sciences Po. Hollande l’a sorti de son chapeau.  Le favori de l’Élysée serait Jean Pisani Ferry. Inutile d’attendre la décision du fameux comité de recherche, qui devait choisir parmi les 6 candidats retenuus.. Sur Wikipédia on peut lire : « Pisani Ferry s'est présenté le 31 janvier 2013 comme candidat à la direction de Sciences Po Paris à laquelle il sera nommé courant mars 2013 par un système de cooptation organisé par le gouvernement »
Jean Claude CASANOVA 
Né à Ajaccio en 1930, sa panoplie professionnelle est impressionnante. Sciences Po, l’ENA, la faculté de Nanterre, l’École supérieure du Pétrole, les cabinets des ministres Jeanneney, Fontanet, Barre, Presses universitaires, Jury littéraires, Institut français de relations internationales, Fondation Saint Simon, Conseil économique et social,  institut d’études démographiques, Académie des sciences morales et politiques, Réforme des collectivités locales, Cinéma Corse, jury BNF, Fondation Écologie d’avenir … etc 
Les « 37 indignés du haut du pavé cités qui soutiennent JC Casanova et ses amitiés d’Etat » ont vu dans la revue « Commentaires » créée et dirigée par Casanova, dans un « souci de vérité et d’impartialité », l’expression d’une pensée originale, « forte et reconnue internationalement ».
Voilà les propos de Casanova sur sa revue : Le plus important dans la décision de créer Commentaire, c’est d’abord  le fait qu’Aron avait quitté le Figaro à ce moment là, et qu’en 1977-78, le parti communiste, à cause de l’alliance offerte par Mitterrand, redevenait menaçant et influent grâce au programme commun qu’il inspirait largement…  Donc Aron, et nous tous, nous vivons une période d’inquiétude, de souci politique »…
Quel courage, quelle ouverture d’esprit pour celui qui allait diriger une Institution pédagogique dont la mission est d’instruire, d’ouvrir le champ des possibles, plutôt que de s’enfermer dans un conservatisme au service des intérêts des classes dominantes !
Le fondateur de Sciences Po, Émile Boutmy, n’écrivait-il pas, après la Commune de Paris de 1871 :  « Contraintes de subir le droit du plus nombreux, les classes qui se nomment elles-mêmes les classes élevées ne peuvent conserver leur hégémonie politique qu’en invoquant le droit du plus capable. Il faut que, derrière l’enceinte croulante de leurs prérogatives et de la tradition, le flot de la démocratie se heurte à un second rempart fait de mérites éclatants et utiles, de supériorités dont le prestige s’impose, de capacités dont on ne puisse pas se priver sans folie. »
La crainte de la démocratie, c’est à dire, pour Boutmy et ses successeurs, la peur de voir les classes populaires capables de s’auto organiser sans se soumettre à une oligarchie conservatrice, conduit à bâtir un mur, un rempart  protecteur, une école « bunker » réservée aux élites. La « démocratie » les terrorise au point d’oublier le rôle universel, sans exclusive, de toute institution pédagogique et républicaine. La République est leur « affaire ». Que les dominés prennent conscience de leur infériorité congénitale ! Le premier des 37« indignés », Badinter par sa femme, est milliardaire grâce au décervelage publicitaire. Le géographe anarchiste Élysée Reclus, en 1900, parlait de « l’ignoble réclame ». Mais faire fortune dans « l’Ignoble » n’a jamais été un sujet d’études pour des spécialistes de la Science Économique, spécialité scientifique de Casanova et Pisani.
ET NOS INDIGNÉS ?
Ce rappel des aventures de Casanova et ses comparses leur fera-t-il revenir sur l’aspect déplacé sinon dérisoire de leur indignation ? Leur déférence à l’égard de leur majestueux héros ne plaide pas en ce sens.  Passion pour le Bien Public, Intégrité personnelle, Désintéressement, Esprit de vérité et d’impartialité, Reconnaissance par deux Présidents de la République.  Comment peut-on commettre un sacrilège aussi vulgaire en lançant des « insinuations insultantes » ? Et puis, il ne faut pas oublier sa passion pour les grandes figures de notre histoire. Les deux Napoléon en font partie. Membre de la Fondation Napoléon et du Souvenir Napoléon, il côtoie ou a côtoyé d’éminentes personnalités comme le Baron Gourgaud ancien président, M Victor André Masséna, Prince d’Essling, le Comte Nicolas Walewski. Enfin il participe à l’opération Ste Hélène qui consiste en une souscription internationale pour sauver la Maison de Napoléon à Ste Hélène.
Peuple digne et généreux, vous qui tenez le « Bas du Pavé », vous n’allez pas contester ce noble souci aristocratique pour garder un toit décent à celui qui fut notre pauvre et impérial exilé.

AZ Paris le 17 février 2013

1) Les indignés du haut du pavé, avec quelques portraits d'eux...             


Robert Badinter, Jean Baechler, François Bayrou, Pierre Bergé (actionnaire à titre privé du groupe Le Monde), Alain Besançon, Marcel Boiteux, Raymond Boudon, Rémi Brague, Jean-Denis Bredin, Monique Canto-sperber, Jean Clair, Yves Cuau,Jean Daniel, Bernard de Fallois, Alain Finkielkraut, Henri Froment-Meurice, Marc Fumaroli, Marcel Gauchet,    Patrice Gueniffey, Claude Habib,
            Ran Halévi, Pierre Hassner, Jacques Julliard, Milan Kundera, Jean-Pierre Le Goff, Emmanuel LeRoy Ladurie, Georges Liébert, Daniel Mahoney, Pierre Manent, Olivier Mongin,Pierre Nora, Mona Ozouf, Alain Pons, Philippe Raynaud, Pierre Rosanvallon,Dominique Schnapper, Paul Thibaud, Michel Zink.







samedi 2 février 2013

1 GUERRE DU MALI. HOLLANDE ACCUSÉ



CHRONIQUE HEBDO  « SUR LE BANC » des accusés François Hollande, chef de l'Etat français.
Procès imaginaire du chef de l'Etat.

COUR PÉNALE INTERNATIONALE :  Première séance du 31 Janvier 2013. (pour voir  la 2ème séance)

L'INCULPÉ


Après avoir invité l’inculpé à décliner ses nom, prénom et qualités, lui avoir fait jurer de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, le Président de la Cour s’adresse alors au prévenu en ces  termes :
- « François Hollande, vous êtes accusé par le procureur général de cette Cour, d’avoir, en votre qualité de chef de l’État français, commandité l’invasion d’un pays étranger, le Mali, sans la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies vous chargeant explicitement d’une telle mission. Ce faisant, en agissant illégalement c’est-à-dire en ne respectant pas les dispositions du droit international que votre pays a pourtant signées, vous êtes mis en examen devant cette Cour et passible des peines prévues par la loi internationale. Vous avez la parole ».

L’inculpé : «  Certes, monsieur le Président, ma décision de porter la guerre au Mali était illégale, mais mes conseillers m’ont affirmé qu’elle était « légitime » puisqu’il s’agissait de sauver un chef d’État en difficulté dans son propre pays envahi par des « terroristes ». Pour prouver ma bonne foi, j’ai demandé au Président Traoré de m’envoyer une lettre réclamant mon aide. Ce qu’il a fait, en envoyant par la même occasion une missive identique au premier ministre anglais ».

Le Président : « Monsieur Hollande, en tentant de justifier l’illégalité de votre acte par la notion floue de « légitimité », vous semblez, tel l’État que vous dirigez,  « étranger au Droit ». Dans votre pays où plusieurs millions de vos compatriotes vivent en dessous du seuil de pauvreté - certains ne pouvant qu’à peine se nourrir - accepteriez-vous comme légitime l’acte illégal consistant à voler un pain dans une boulangerie ? ».

L’inculpé : « Un de mes homologues, chef d’État, étant agressé, je me suis senti agressé moi-même. Je me suis considéré comme en état de « légitime » défense. Et puis il me paraît indécent de comparer la situation d’un pauvre affamé avec celle de l’élite dirigeante d’un État. Rappelons-nous la juste et célèbre formule de La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous feront blanc ou noir ». Plutôt que de « noircir » le tableau, il me semble que je mérite d’être « blanchi ».

Le Président :  « En admettant que vous sauviez la tête de votre « ami » Traoré mis en danger par vos « terroristes », on constatait en même temps que vous lanciez l’opération «  Serval », qu’à Bamako des manifestants réclament son départ. Ne croyez-vous pas que votre initiative soit une mauvaise solution quant au drame malien et ne fasse qu’amplifier les effets du mal ? Vos amis européens l’ont bien compris, qui traînent les pieds pour vous apporter l’aide promise. Quant aux USA, ils refusent dans un premier temps toute aide dans une opération consistant à rétablir sur le trône un chef d’État  issu d’un coup d’État (le 22 mars 2012) militaire et donc chef d’un « gouvernement putschiste ». Pour sa part, le Qatar, avec qui vos liens de toute sorte et fondés sur la finance,  désapprouve votre action au Mali. Il est vrai qu’il arme vos « terroristes ».

L’inculpé : « Mais, monsieur le Président, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Nous avons fait la leçon à nos troupes et aux troupes maliennes pour qu’elles se conduisent bien. Nous espérons être entendus.

Le Président :
Vos conseils sont restés lettre morte. Des organisations humanitaires s’inquiètent. On me dit que, les exactions par l’armée malienne se généralisent. Des milices progouvernementales, ont préparé des listes de « collaborateurs » à « punir ».   Ces milices - dans lesquelles se trouvent notamment des « Songhaï » et des « Peuls » - sont équipées par les militaires qui leur donnent pour consigne « Partez et ramenez la tête d’un Touareg ». La France, au nom de laquelle vous prétendez agir, ne pourra se laver les mains des abus commis par une armée malienne qu’elle porte à bout de bras. Significative du chaos que vous avez créé, cette réponse d’un officier malien à un journaliste qui a pris un cliché de cadavre à Sévaré : « Mais qu’est-ce que tu crois qu’on fait avec les suspects qu’on chope ? On les zigouille. »

L’inculpé : « Monsieur le Président, je dois vous dire toute la vérité. Si, officiellement, je suis le responsable de cette guerre, ce n’est pas moi qui ai décidé de la faire. En fait l’invasion du Mali par la France a été décidée par le général Benoit Piga, mon chef d’Etat-major. J’ai choisi ce général parce qu’il avait été aussi le chef d’Etat-major de mon prédécesseur Nicolas Sarkozy. Son expérience guerrière était impressionnante. A son actif, le déclenchement de la guerre en Lybie. Et il faut se demander, en toute modestie et comme le souligne un de mes amis : « Y a-t-il eu, à l’Élysée, quelqu’un ayant suffisamment de poids et d’autorité pour oser s’opposer aux demandes des militaires ? ». Je ne peux donc être désigné comme le seul responsable des défaillances de l’opération « Serval ».

Le Président : « Accusé, en avouant que vous n’avez pas pu résister à une mesure décidée par un subalterne, le général Piga, mesure qui ne pouvait conduire qu’à une violation du droit international et à une intervention armée illégale, vous contrevenez aux règles constitutionnelles définissant votre rôle de chef de l’État et des armées. Il s’agit donc d’un nouveau chef d’inculpation que notre Cour pénale internationale transfèrera à la juridiction compétente de votre pays. Quant aux éventuels crimes de guerre ou contre l’humanité, liés à votre invasion du Mali et que vous n’auriez pas pu empêcher, ils seront examinés par notre juridiction.

L’inculpé : « Malgré tous les efforts de notre armée, monsieur le Président, il sera difficile d’empêcher ces crimes. La vengeance, le règlement de comptes sont d’autant plus fréquents que la population du Mali vit depuis de longues années dans la misère économique, sanitaire, intellectuelle la plus noire. Les services publics de l’école et de la santé ont pratiquement disparus. L’élite politicienne, financière, multinationale privée, qu’elle soit néocoloniale ou autochtone, confisque à son profit toute la richesse du pays. Près de 65% de la population est analphabète. L’islam, modéré ou djihadiste, règne sur 80% des maliens.La religion si prégnante dans ces pays, annihile tout esprit critique. Autant d’éléments destructeurs de toute morale et favorisant la criminalité.

Le Président : « Raison de plus, monsieur Hollande pour ne pas contribuer à amplifier ce désordre moral par une invasion militaire. Vous savez certainement que “La qualité essentielle... du parfait soldat... c’est l’obéissance passive, l’abdication de toute individualité, le renoncement absolu à soi-même, la servilité abjecte et féroce du bouledogue...”, comme l’écrivait déjà en 1870 Auguste Blanqui. Et Pierre joseph Proudhon complétait : “Le type du machinisme est le soldat... De tout temps on a fait une âme factice au soldat comme au moine... C’est une bête qu’on monte, qu’on gruge, qu’on enivre à propos, comme on endort l’autre avec l’opium de la théologie et de la piété. Où est l’homme dans le soldat, où est-il dans le moine ?». Un ancien combattant de la longue guerre du Liban (1975-1990, entre 130 et 260 000 victimes civiles) répondait à un journaliste : « Dès que vous avez une arme entre les mains, elle remplace le cerveau ». Difficile, dans ces conditions, de penser qu’un déploiement de soldats, même si on les fait s’opposer à des « moines soldats » islamistes, vont ramener sur le pays une forme de sérénité et de paix morale. Vous ne savez pas, monsieur Hollande, que le dictateur syrien, Bachar el Assad approuve votre intervention contre des « rebelles terroristes » et aimerait bien qu’on pourchasse aussi ses propres rebelles. Vous auriez donc tout intérêt, si vous ne voulez pas que les chefs d’accusation s’alourdissent, à mettre un terme à cette tragique, illégale et grotesque intervention ».

L’inculpé : « Monsieur le Président, si vous me faites la grâce de me remettre en liberté conditionnelle, je vais m’y employer, d’autant plus que nos troupes sont freinées, dans leur héroïque poursuite des « terroristes », par le sable. Jamais nous n’aurions pu imaginer ces gigantesques amoncellements de sable dans le Sahel. Bien entendu, je consulterai, avant toute initiative, le général Piga qui a toujours été de bon conseil et qui sait décider à ma place.

Le Président : « Décidément, piètre inculpé, vous ne comprenez rien à rien. Vous allez demander son avis à un soldat qui ne possède, en guise de cerveau, qu’un missile ou un drone ! Rappelez-vous Hiroshima, Nagasaki et le « fanatisme » militaire, politique et scientifique qui conduisit à exterminer plusieurs centaines de milliers de civils japonais pour « expérimenter » la bombe atomique ! Je me demande si la Cour prendra la décision de vous relâcher ».

FIN DE L’AUDIENCE