dimanche 11 avril 2010

UN PATRON DE PRESSE à RADIO LIBERTAIRE


N’OUBLIEZ PAS


C’est le titre du livre que vient de publier Edwy Plenel, ancien directeur du journal « Le Monde ». Après avoir présenté ce qu’il appelle son « manuel citoyen » sur France Inter, le 18 janvier 2010, dans l’émission « Le Fou du Roi », il vient en faire la promotion sur les antennes de Radio Libertaire, le samedi 3 avril 2010, dans une émission à vocation non humoristique. Pourtant, certains mauvais esprits ont pensé à tort qu’il s’agissait d’un poisson d’avril.

N’oublions pas, en effet. Le patron d’un « site d’information en ligne » demande aux lecteurs de son manuel de se rappeler le passé, de ne pas effacer l’histoire. Mais alors, jusqu’où remonter dans le temps ? va t-on évoquer devant un ancien « trotskyste » et dans un studio anarchiste les aventures de Trotsky et de son train blindé sillonnant la Russie des années 1917 et suivantes , à la chasse aux anarchistes de Kronstadt et d’ailleurs, à tous les opposants à la dictature d’un parti unique pour qui « la Fin (le pouvoir absolu) justifie les Moyens »(les crimes).

Non, bien sur ! On ne va pas, pour la promotion d’un bouquin, faire porter le poids de l’histoire à l’ engagement de jeunesse d’un invité. Recevoir un ex trotskyste, pourquoi pas ? On a bien accueilli sur Radio Libertaire, entre autres, un « Cardinal » et un contempteur de la « Barbarie Socialiste ». (1)

Et puis, l’ancien directeur de la rédaction du journal « Le Monde » nous précise que, du temps de son militantisme à la Ligue communiste révolutionnaire, il faisait partie des adhérents les moins « sectaires », peut être même un tantinet libertaires. De plus, pour bien montrer son penchant pour les valeurs de l’Anarchie, il nous précise qu’il a installé son entreprise « Médiapart » devant le square « Léo Ferré », à quelques encablures de la Bastille et de la « Commune libre d’Aligre ».

Et comment résister à ce compliment qui nous est adressé, à nous libertaires, d’être les mieux placés pour apprécier la leçon de journalisme « critique et résistant » qu’un ancien chef de la rédaction d’un quotidien de révérence nous adresse au cours de sa présentation radiophonique de ce « N’oubliez pas » ?

Ses exigences en matière de morale journalistique ne peuvent que nous séduire. Albert Camus est son nouveau maître . Il compare son travail de « remémoration et de décryptage » à celui de Camus au journal « Combat » en 1944. Décidément l’accroche « libertaire » est « tendance ». Après Sarkozy et Onfray, ces valeureux capitalistes libertaires, nous voilà, avec Plenel et Besancenot agrippés à nos basques, confrontés au trotskisme libertaire.

Quant à Camus, très critique à l’endroit des journalistes « policiers » et d’une presse entre les mains des puissances d’argent, il aurait été surpris par un « oubli » de Plenel. En 2000, le directeur de la rédaction du « Monde » s’employait à faire coter en bourse son journal. Sans succès. Aujourd’hui il soutient qu’il existait une cloison étanche entre les patrons gestionnaires du journal et lui, simple exécutant rédactionnel avec son équipe.

D’une façon générale le propos unilatéral tenu par Plenel, au cours de l’émission, a ressemblé à celui d’un plaignant dans un procès. Il se dit victime d’un « attentat » (sic), dirigé spécialement contre lui,lors de la parution du livre « La Face cachée du Monde ». ll se présente comme le « bouc émissaire » de ces actionnaires qui l’ont mis dehors, comme le « bouclier » protecteur des turpitudes de ses chefs.. Il se compare à l’écrivain, critique d’art anarchiste, Félix Fénéon, injustement poursuivi par la police et la justice avec d’autres anarchistes dans le fameux procès dit « des Trente »,en août 1894. Victime, il reconnaît avoir commis des erreurs, sans pour autant nous demander l’absolution ni s’engager dans la voie de la « repentance.

Mais Plenel est il, comme il le prétend, une simple victime de calomnies ? Ses 25 années de bons et loyaux services au sein du « quotidien vespéral des marchés », dont 10 ans de direction rédactionnelle, ne peuvent le dédouaner complètement. Tout ce qu’il nous raconte pendant l’émission, il l’a déjà dit et diffusé dans les médias. Il suffit de se référer au « Plan B » pour en retrouver trace. Et il est vrai que les critiques pleuvent. Des interprétations erronées dans l’analyse de la situation des « Banlieues rouges », des fréquentations peu critiques avec des politiciens de métier « (exemples le maire de St Denis, communiste devenu vert, le socialiste Montebourg, Ségolène Royal remerciant les adhérents de son club « Désirs d’Avenir » de s’inscrire à Mediapart et « par ce geste militant de s’inscrire dans la logique participative ». ou encore sa collaboration au groupe TF1 et sa proximité avec François Hollande)

La liste est longue de ces « calomnies » : faux scoops, recapitalisation de l’entreprise (comme Le Monde vient de le refaire). Dans le journal « Le Plan B » de juin 2007, on peut lire, sous le titre prémonitoire « J’oublie tout », le détail des « oublis » de Plenel. Ainsi il avait déjà oublié ses amis : En 2003 il disait à FR3 : « Jean marie Colombani, pour moi, c’est un frère », et sur France2 : « Alain Minc est devenu un ami, et je suis fier d’être devenu son ami ». Pour effacer ses amis, une photo où il siège à une tribune à coté de Colombani et Minc a été en partie gommée pour qu’il n’y figure plus.


Alors, direz vous, que venait t il faire dans notre galère ? A part, inciter les auditeurs de Radio Libertaire à souscrire un abonnement à Mediapart » et faciliter ainsi sa « recapitalisation » ? S’entraîner à répéter une fois de plus son boniment de voyageur représentant placier ? Acheter une ou deux « Indulgences » de notre Eglise anar ? Quand il travaillait sur LCI, en novembre 2006, il avait, pour la promotion d’un bouquin, reçu l’auteur, un fieffé réactionnaire nommé Pierre Rosanvallon, ancien patron d’un Centre d’Etudes en Sciences sociales. Devant les caméras, il s’écria : « …c’est le livre, le Livre politique qu’il faut lire pour préparer la « Présidentielle ». Mon coup de cœur, je le dis tout de suite…Un pavé dans la mare sur le piétinement de notre fonctionnement démocratique…Un seul conseil, Lisez Pierre Rosanvallon…et , les politiques, Prenez en de la graine. »

Bon, alors, on lui achète son bouquin « N’oubliez pas ! » à notre pauvre trotskiste libertaire honteusement calomnié ? Tu crois que, comme celui de Rosanvallon, il va nous servir pour la « Présidentielle » de 2012 ?- Il faudrait en tester les effets, d’ici là.- Dommage qu’il ne soit pas encore traduit en polonais.- On va avoir une « Présidentielle » là bas, d’ici peu. Ah, oui, le père Ubu vient de se cracher avec sa cour au dessus d’un charnier soviétique. Bon, on va attendre un peu avant de nous plonger dans cet instructif « manuel » de politique journalistique !
AZ avril 2010
Les citations sont extraites de plusieurs numéros du « Plan B »
Note 1 : Bourdieu et Castoriadis.