PROUDHON ET L’ANARCHIE
«… Car si Proudhon est anarchiste, selon sa célèbre parole de 1840, il est aussi « ami de l’ordre » (philosophie du progrès.74)… » (1)
La Société Pierre Joseph Proudhon organisait, ce samedi 5 novembre 2011, son « Colloque international annuel ». Selon le président de la Société Proudhon, s’exprimant devant une quarantaine d’auditeurs, 3 rue Cabanis à Paris 14ème, c’était la première fois depuis la naissance de la Société que le nom de Proudhon était associé à celui d’Anarchie dans le titre de l’un de ses nombreux colloques. Il s’en étonnait, la Société Proudhon étant née en Mai 1982, il y a donc trente ans.
Trente ans sans que le père de l’Anarchie n’entende résonner ce mot autrement que dans les diverses et savantes analyses des nombreux conférenciers qui, pendant ces multiples colloques annuels, disséquèrent la pensée, la philosophie des mœurs de Pierre Joseph.
Enfin vint le jour tant attendu ou « l’Anarchie » fut au frontispice, accolée à son patronyme. Malgré sa modestie bien cachée et ses doutes sur la vitesse à laquelle se construirait son idéal, il sourit aux anges de l’immanence.
Lui qui refusait d’être le chef d’un parti pour éviter de se voir entouré de « croyants » perclus de « confiance » et qui traitait les « proudhoniens » d’imbéciles s’aperçut qu’il pouvait y avoir quelques universitaires qui tentaient d’approcher, avec plus ou moins de succès, la cohérence et l’actualité de son propos.
L’exposé, notamment, dans lequel fut souligné le lien indissociable entre son « Idéal et son pragmatisme » lui plut. Qui d’autre, parmi ses contemporains, avait argumenté l’ineptie et la dangerosité des solutions utopistes communautaristes et des adeptes d’un système – clé en mains – (Marx), prêt à prendre la place, table rase en étant faite, de la « féodalité économique et financière ». A l’inverse, il fallait s’attaquer au réel, en décrire les éléments négatifs et positifs et imaginer, sans attendre un improbable « grand soir », des formes nouvelles d’organisation économique et sociale. L’idéal de l’Anarchie est contenu dans le concret et l’actualité de ses propositions de nouvelles formes de l’échange économique et de la relation sociale. Ce concret, c’est le « contrat » (foedus) qui remplace l’autorité de la loi et qui se traduit par l’égalité et la réciprocité dans l’échange des produits et services (mutuellisme) ainsi que dans toutes les autres relations sociales «(fédéralisme). La confrontation avec les structures et l’idéologie capitaliste sera dure. Dans ce combat il importera de ne pas se défaire de l’idéal, de l’arme de la liberté dans la justice : l’Anarchie.
s
Une autre contribution toucha sa corde sensible. Toute sa vie, il avait voulu combattre la misère ouvrière, l’injustice, l’iniquité que constitue le salariat, ce contrat « léonin ». L’exposé sur l’influence que ses idées eurent sur le mouvement ouvrier de la seconde partie du 19ème siècle, et en particulier sur le syndicalisme révolutionnaire, le réjouit. Enfin, les classes ouvrières se défiaient de la camarilla politique. Sauraient-elles aller jusqu’au bout et ranger aux oubliettes cette caste arrogante, ces députés dont il fut et qui, pour lui, n’étaient qu’un simple « fait ». Le « droit » dont ils se paraient était tout bonnement le droit de la « force ». Seront-ils capables, ces syndiqués qui semblent l’avoir compris, d’entraîner, à l’occasion d’élections, la majorité des déshérités dans une abstention massive, et mettre ainsi ces prétendus « représentants » du peuple « hors la loi » ? (2)
D’autres propos, au cours de cette journée qui lui était consacrée, le laissèrent de marbre. Ainsi s’assoupit-il quand il entendit prétendre qu’il avait mis en parallèle deux formes d’Anarchie, l’une négative, l’autre positive. Le fait qu’il ait, à l’occasion, utilisé le mot anarchie pour désigner le désordre, reprenant l’injure gouvernementale utilisée dans la langue populaire, signifierait qu’il élabora une théorie, un système, une morale fondés sur le désordre : « L’Anarchie négative ». Si désordre il y a, il résulte de l’oppression des pouvoirs et suscite révoltes et manifestations.
C’est justement contre ce désordre, ce chaos économique et social, fer de lance du capitalisme, que Proudhon a bâti sa philosophie des mœurs, son Anarchie. De même, énoncer que « bien qu’anarchiste, il aime l’ordre » ou encore qu’après une période d’anarchie négative, il en serait venu à l’anarchie positive sont des non-sens. Conceptualiser une « anarchie négative », c’est faire de Proudhon (avant sa repentance) un adepte de la loi de la jungle, d’une liberté sans morale, l’assimilant ainsi au capitaliste ou au « libertarien ».
Mais chacun pourra se faire une opinion sur le contenu des 7 contributions qui alimentèrent cette si intéressante réunion de la Société Proudhon que l’assemblée générale annuelle ne put se tenir. En effet les « actes du colloque 2011 paraîtront dans les mois qui viennent et peut être en mai 2012, puisque seront fêtés les trente ans de notre association.
Archibald Zurvan.
Membre de la Société Proudhon depuis 1990.
(1) Dictionnaire Proudhon P. 322 . Editions « ADEN » 44 rue Antoine Bréard 1060 Bruxelles. Remarquons cet "aussi"qui laisse entendre l'existence de deux conceptions opposées de l'Anarchie! Une "coquille", sans doute...
(2) A noter que le jeudi 10 novembre 2011 s'est tenue à Besançon une « Journée Electorale » de France Inter. Cette radio organise en effet dans 12 villes des réunions et débats en direct. A Besançon est invité, pour la préparation de la Foire du Trône (La présidentielle 2012), le député socialiste Moscovici, ancien porte étendard de Strauss Khan et désormais « harangueur » d’Hollande. Dommage que Pierre Joseph soit absent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire