dimanche 11 novembre 2007

Et Voila l' Travail !

Poème tragique :

Actualité permanente !

Au Sarkoland, la devise « travail, famille , patrie » est toujours de mise
« Finie, la semaine de 35 heures » , clame le nabot, imitant Paul Reynaud, président du Conseil en 1939, et qui , frétillant de joie à l’approche de la guerre, stigmatisait les travailleurs en leur crachant au visage : « Finie la semaine de 40 heures ».

Esclaves si la Croissance de nos profits diminue c’est votre faute ! Travaillez plus pour que nous gagnions plus !

« Educateurs, faites de nos enfants des forçats du travail, des bourreaux de travail que vous devez être vous mêmes ! Apprenez par cœur mon manuel de 38 pages du parfait petit soldat obéissant de « ma république » Vous devez être les apôtres obstinés du décervelage. Le sport à l’école, voilà un bon moyen pour vous aider dans cette noble tâche. Soyez capables de remplacer le prof de Gym s’il est absent !


A force de fanfaronner, le travail s’est pris les pieds dans le tapis!
Idole brisée, travail en morceaux, travail en miettes, vieux débris remisé au magasin des accessoires avec les autres instruments de torture.
Le bourreau de travail a fait son office. L’usure au travail a fait le reste. Travail, travail quand tu nous tenais... tu nous interdisais les folies !

Pénitent ou Héros... mais d’abord Esclave !
Le religieux ordinaire en a fait la punition éternelle, la sueur du repentir et de la souffrance, la condition à la béatitude de l’autre monde. Le religieux marxiste en a fait « une valeur », une morale à lui tout seul, un dogme, une massue massificatrice et soi-disant émancipatrice, un rouleau compresseur stakhanoviste, une monumentale cathédrale où l’individu, victime expiatoire, a été égorgé, en chantant la gloire du réalisme libérateur des lendemains qui chantent.
Le travail glorifié, sanctifié, mythifié, comme celui des « gueules noires » en 1945, à qui on dédiait des affiches héroïques dans les rues de Paris, est un attentat contre l’individu-homme. Etre une bête de somme dans le troupeau des bêtes de somme avec l’apitoiement charitable de la foule manipulée et béate, en prime...
Aujourd’hui encore, les dernières bêtes de somme défilent pour demander humblement quelques heures (35) de répit au bourreau !
Dans le film « Rosetta »(Belgique. 1999) on voit justifier l’indignité du comportement de l’héroïne par la « dignité» que lui apporterait n’importe quel travail contraint. « Arbeit macht frei ».
Chaque étape de ce chemin de croix est marqué au sceau infamant de la résignation et de la culpabilité de celui ou de celle sur qui la fatalité du « non-travail » s’est abattue.
On ne revendique pas pour exiger sa part des richesses confisquées par le maître... on lui demande le fouet du salariat.

Le Nom et la Chose...
En 1830, déjà, Blanqui comparaît les conditions de l’esclave des colonies françaises et celle du salarié : « Il y a du reste moins de différence qu’il ne parait d’abord entre l’état social des colonies et le notre. Ce n’est pas après 18 siècles de guerre entre le privilège et l’égalité que le Pays, théâtre et champion principal de cette lutte, pourrait supporter l’esclavage dans sa nudité brutale. Mais le fait existe sans le nom, et le droit de propriété, pour être plus hypocrite à Paris qu’à La Martinique n’y est ni moins intraitable ni moins oppresseur... »
Aujourd’hui, cette forme « moderne » d’esclavage qu’est le salariat n’est pas même contesté par ceux qui paradent avec le drapeau des « 35 heures » ... « 35 heures d’un contrat léonin », inégalitaire depuis la première heure. Grande avancée de la Justice...

Gloire à toi, mon fils... Tu seras « Pompeur à bénéfices »
Et pour aller au Ciel... acceptes de n’être qu’un « aide-matériel » ... Céline aurait souri de ce méprisable mot d’ordre des 35 heures, sans le « quoi » ni le « comment », lui qui écrivait en 1941, au temps de « L’Etat Français » de Vichy :
« ...S’il m’est permis de risquer un mot d’expérience sur le tas, et puis comme médecin, des années, un peu partout sous les latitudes, il me semble à tout bien peser que 35 heures c’est le maximum par bonhomme et par semaine au tarabustage des usines, sans tourner complètement bourrique...
« ... Y a pas que le vacarme des machines ; Partout OU SEVIT LA CONTRAINTE c’est du kif au même, entreprises, bureaux, magasins, la jacasserie des clientes c’est aussi casse-crane écœurant qu’une essoreuse-broyeuse à bennes...
Partout ou on obnubile l’homme pour en faire un aide-matériel, un pompeur à bénéfices, tout de suite c’est l’enfer qui commence ; 35 heures c’est déjà joli... »

Résignes Toi.. petit Âne bâté...
Contre la grégarisation, l’écrasement des particularités, la soumission aux ordres du chef de troupeau, Nietzsche écrivait déjà : « Dans la glorification du travail, dans les infatigables discours sur “la bénédiction du travail”, je vois la même arrière pensée que dans les louanges des actes impersonnels et conformes à l’intérêt général : la crainte de tout ce qui est individuel.
» On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail — c’est-à-dire de ce dur labeur du matin au soir — que c’est là, la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, du désir, du goût de l’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine ; il place toujours devant les yeux un but minime... » Nietzsche Frédéric, Aurore, 1881.
Le travail a toujours eu le mauvais œil, il porte la guigne. Victimes, accidentés, médaillés du travail : tu as la médaille de la honte après trente ou quarante ans de bons et loyaux services, comme « traîne-misère », d’un patron « traîne-patins ».
Qui se souvient d’un air des années « 1900 » qui déplorait la triste condition de celui ou de celle qui, chaque matin « allait au Chagrin » : « ... car je ne suis qu’un employé, un traîne-misère, un salarié.. ».
Le travail est un bouche-trou, un pis-aller, une béquille. On s’y abandonne traqué par la faim. Certains malheureux s’y adonnent, le consommant comme une drogue. Prisonnier du travail, on déploie des trésors d’imagination pour s’y soustraire, pour l’esquiver, pour en adoucir la peine, en dériver le cours. Il faut bien vivre. Et l’esclavage n’est pas une vie...
« Tous les hommes se divisent, en tout temps et de nos jours en esclaves et libres ; car celui qui n’a pas les deux tiers de sa journée pour lui-même est esclave, qu’il soit d’ailleurs ce qu’il veut : homme d’état, marchand, fonctionnaire, savant... » Opus cité.
Les négriers des temps modernes ne font plus à visage découvert le commerce, la traite des hommes pour leurs plantations du nouveau monde. Ils restructurent, délocalisent et s’installent à proximité des gisements de matière première humaine. La mort d’un homme qu’ils écrasent de travail et de misère n’est plus à leur charge comme cela était lorsqu’il leur appartenait comme esclave. Ils n’ont plus à payer pour l’acheter ou le remplacer.
Et Moi !..
Moi, l’Unique, j’existe, je vis, je pense, je crée, j’imagine, j’invente, j’aime, je m’enthousiasme, je critique, je déteste. Contre moi le travail, la souffrance, la chaîne, l’accoutumance m’attendent au tournant. Guet-apens perpétuel depuis l’école, la caserne jusqu’au boulot contraint, consigné, encadré, et même « enrichi ».
« ... Car je ne suis qu’un employé, un traîne-misère, un salarié ... disait la chanson... »
« Ces jeunes gens ne manquent pas de caractère, ni de dispositions, ni de zèle : mais on ne leur a jamais laissé le temps de se donner eux-mêmes une direction, les habituant au contraire, dès leur plus jeune âge à en recevoir une. Lorsqu’ils furent mûrs pour être envoyés dans le “désert” on agit autrement — on les utilisa, on les déroba à eux-mêmes, on les éleva à être usés quotidiennement, on leur en fit un devoir et un principe — et maintenant ils ne peuvent plus s’en passer, ils ne veulent pas qu’il en soit autrement.
» Mais, à ces pauvres bêtes de trait, il ne faut pas refuser leurs “vacances” ainsi nomme-t-on cet idéal d’oisiveté d’un siècle surmené — : des vacances où l’on peut enfin paresser à cœur joie, être stupide et enfantin. » (Nietzsche Frédéric, Aurore, 1881.)
Alors puisque le travail, après le crédit, est mort sur le zinc des derniers bistrots, brisons les machines à décerveler. En avant pour la grande cure de désintoxication... Poétons enfin plus haut que nous avons le cul...

Archibald Zurvan avec l’aimable concours de Louis-Auguste Blanqui, Frédéric Nietzsche, Ferdinand Céline. Déc. 1999.

vendredi 9 novembre 2007

Les Diafoirus de l'Anarchie

LES « DIAFOIRUS » DE L’ANARCHIE .


Quel Remue Méninges !

Depuis ces derniers mois, L’ Anarchie est à la mode. Le « Libertaire » pourrait –on dire plutôt. Qui voudrait s’en plaindre ? Le « Magazine littéraire », « Philosophie magazine », le « Monde diplomatique » , pour n’en citer que quelques uns consacrent de longs développements à ce sujet « porteur ».
Et même France Culture, dont la réputation conservatrice n’est plus à faire, vient de consacrer, il y a quelques jours une émission à l’ »Anarchisme ».
Alors Bravo ! Si on parle de nous c’est que nous retrouvons grâce auprès des intellectuels, des penseurs, des philosophes, des programmateurs de radio.

Mais cet intérêt soudain pour l’Anarchie, n’est il pas qu’une mise en scène, un spectacle tout en surface, une tentative de banaliser jusqu’à l’insignifiance vieillote, une philosophie, une morale un mode d’action insupportables aux tenants du pouvoir , d’un pouvoir social ou intellectuel.

Et plutôt que de faire un travail en profondeur d’analyse et d’histoire de la pensée et de l’action anarchistes, ces maitres à penser, ces baladins du spectaculaire, ces « faux amis » entretiennent l’idée diffusée depuis des lustres par tous les pouvoirs , d’une Anarchie, utopie déraisonnable, illusoire, d’anarchistes ressassant de « vieilles lunes » ou pris d’accès de violence.

Le triste dans cette aventure est que des compagnons se laissent prendre à ce « miroir aux alouettes » et vont complaisamment donner la réplique à ces personnages, séduits qu’ils sont par les paillettes de la Radio ou , pourquoi pas, de la Télé.


Soyons « Modernes » !

Parmi toutes ces « bonnes volontés », prises d’un subit accès de passion pour l’Anarchie, on trouve des carabins, des mêdecins d’ occase, des diafoirus disposés à faire notre bien, à nous « remettre sur les rails ».

L’ Anarchie serait malade, en mauvais état, amorphe, atone . les anarchistes rabâcheraient de vieux discours périmés. Leurs valeurs auraient fait leur temps. Les remèdes qu’ils proposent contre l’injustice de l’organisation sociale du Monde seraient sans effet ; leurs « principes » ne conduiraient qu’à l’échec (1). Les Proudhon, Bakounine, Reclus, Stirner ne sont plus d’actualité. Il nous faut d’autres référents, d’autres recettes. Nous voilà, assurent sans complexe ces « humanitaires » de l’Anarchie. Nous allons vous remettre sur pied.

Et il est vrai que , pour ces « docteurs Knock », il est plus facile de s’en prendre à un idéal, à un « mouvement de pensée et d’action » , comme le disait Chomsky (1), que de rechercher en quoi l’Anarchie est toujours bien portante et quelles sont ses réussites , ses points positifs plutôt que ses échecs.

Parmi toutes ces bonnes volontés qui, depuis longtemps, nous ont fait de la réclame, s’ils n’ont guère contribué à nous « éclairer » non plus que l’ensemble de leurs lecteurs sur ce qu’est l’Anarchie, j’en citerai trois. L’un, américain, a trouvé le remède à l’ « utopie » anarchiste , potion qu’il appelle le « participalisme » ; l’autre, philosophe normand « populaire » s’attaque, quelquefois sans ménagement aux « vieilles lunes » des anarchistes et se pose en initiateur du véritable « Socialisme Libertaire. le dernier tente désespérément , depuis des lustres, de sauver l’Anarchie de ce mal chronique et difficile à éradiquer que constitue le virus « crypto- fasciste » appelé : « Ecologie ».

Louables desseins ! Mais leur diagnostic est il solidement étayé ? cette malade , cette Anarchie qui fait l’objet de leurs soins empressés, les a t-elle appelé à l’aide ? Ne serait ce pas plutôt pour eux un moyen de séduire leur public, de le faire rêver d’une Société parfaite, sans conflits ni contradictions , d’un Monde pacifié , normalisé, préfabriqué, à disposition « clés en mains » ? Et, dans ce cas, leur généreux idéalisme romantique , leur distance au réel et au présent, peuvent ils être bénéfiques ? La malade va t-elle en réchapper ?


LA REFONDATION ;

L’actualité a mis ce mot à la mode. Les partis politiques, avant ou après la défaite parlent « refondation ». Il faut trouver une autre vitrine, un fondement qui plaise, une assise qui assure le « siège ». Pas facile. Certains baissent les bras, comme ces vieux politiciens du parti socialiste français qui, après la défaite, se sont rangés sous la bannière porteuse d’honneurs, de sinécures et de prébendes du parti vainqueur. Les délavés du cerveau qui ont participé à cette ancienne et démocratique mascarade électorale et qui ont choisi ces éminents transfuges, continueront de les apprécier pour leur « réalisme » D’autres dépositaires de la « Souveraineté populaire » cherchent le drapeau aguicheur de foules, le créneau porteur. Comment présenter décemment un projet aux apparences attractives et novatrices fondé sur des valeurs, des principes, des stratégies politiques, économiques et sociales rigoureusement identiques à celles de l’adversaire ? Le plus habile dispensateur de fumée aura quelque mal à faire sortir des têtes (même allégées) l’image du bonnet blanc et du blanc bonnet.

Refondation !… voilà un vocable qui fait sérieux, même s’il a déjà beaucoup servi. Le parti communiste français en a l’expérience . Il dispose lui aussi de ses refondateurs depuis quelques lustres. Sans grand succès, apparemment.

Les pauvres socialistes , eux aussi ont leurs nombreux refondateurs ; Le Nouveau parti socialiste dans un coin, la Gauche socialiste chez les renégats ralliés au nouveau Maitre, et bien d’autres

Mais les « refondateurs » ne sortent pas seulement de la douce France . En ce domaine l’Italie brille de tous ses feux . En 1972, il y a 35 ans, piétinant sans succès depuis 1946 aux portes du pouvoir , le patron du PCI, Berlinguer, proposa à ses « ennemis » de toujours de la Démocratie chrétienne un « Compromis Historique », un partage du pouvoir. Et là non plus, sans succès immédiat.
En 1983, poursuivant sa cure refondatrice, le PC italien rompt avec Moscou et son stalinisme un peu trop voyant
En 1991 le PCI devient le PDS, parti démocratique de la gauche italienne, jetant le froc « communiste » aux orties.
En 1997 il abandonne sa « Fondation » historique et philosophique, le Marxisme. Le Roi est nu.

C’est alors que , trente cinq années après avoir lancé le grand chantier de la refondation , du blanchiment idéologique, le 21 avril 2007, les héritiers du Parti Communiste italien décident de dissoudre leur formation et de fusionner avec les ex démocrates chrétiens , groupe centriste baptisé « La Marguerite ». Berlusconi déclare, à l’occasion de cette merveilleuse refondation, qu’il est prêt à adhérer au nouveau parti d’Union Sacrée, a « effeuiller » avec ces nouveaux amis la « marguerite » Qui peut imaginer que ce traitement de choc de la nouvelle « maladie infantile du communisme « produira d’heureux effets ? . Bien des observateurs bien intentionnés prendront simplement le parti d’en rire.


LE PROJET DES MEDICATRES DE L’ANARCHIE ;

L’ETAT ET LE SYSTEME CAPITALISTE


Dans l’exemple ci dessus, ce qu’on remarque , c’est que la « refondation » a surtout consisté à détruire les « fondations » Des « petits arrangements entre amis » du début , on en est arrivé, en un quart de siècle, au hara-kiri. Nous avons donc toutes les raisons de nous poser la question fondamentale à savoir : la « potion magique » de nos médicastres conduirait t- elle à la même triste conclusion.

Or, si nous examinons le contenu des propositions de nos amis
Nous avons quelques raisons de nous inquiéter, ne serait ce que parce que, pour l’essentiel , il s’agit, là aussi de détruire plutôt que de construire, d’abandonner plutôt que de persévérer . Le philosophe normand , sans la moindre hésitation, nous invite à renoncer, pour guérir, à notre lutte contre le système capitaliste, contre l’Etat, l’un et l’autre étant indispensables à la Justice économique et sociale. Il nous faudrait limiter notre combat aux excès de ces structures naturellement bonnes. Il énonce à propos du Capitalisme :

…Je suis capitaliste car je ne vois pas quel meilleur système permettrait de produire des biens et des richesses, mais je crois qu'il existe des moyens alternatifs au libéralisme, c'est-à-dire à la répartition des richesses produites par le capital. Le libertaire, aujourd'hui, ne pense donc pas qu'il faut abolir le capitalisme mais qu'il faut résister au mode libéral de gestion du capital…

Quant à l’Etat autoritaire, jacobin, centralisateur, peu soucieux de justice sociale, il convient de le maintenir en l’état :

« … Or l'Etat est un instrument. Et on peut faire servir un instrument à des fins diverses: l'exploitation, bien sûr, mais aussi des fins sociales….


Déjà , en 1997, Onfray écrivait : l'État n'est (p.215 « La Politique du rebelle ») "...qu'une machine sans aucun coefficient éthique...", juste un "...mécanisme obéissant aux ordres"
Or derrière ce qu’il appelle « la machine » il y a le capital, même si c'est une machine d'État.
Onfray doit supposer que l'État est une abstraction, un songe creux, que dans la machine d'État il n'y a pas d'hommes de pouvoir avec leur volonté de maintenir leur morale bien à eux de l'ordre établi. Proudhon écrit "L'État est étranger au droit, indifférent à toute idée morale, c'est un simple instrument de force...". C'est cet instrument auquel s'oppose l'anarchiste pour la raison qu'il est le bras armé de l'injustice


Sur ces deux points fondamentaux de la critique anarchiste de l’organisation économique et sociale présente, selon notre ami normand, il nous faudrait renoncer à nous référer à certains écrits de Proudhon, Bakounine, Kropotkine, tous trois ayant fait leur temps, pour nous intéresser à Sébastien Faure et à Emile Armand, comme si ces derniers nous étaient moins connus, eux qui écrivent, à propos notamment du Capital, de l’Etat et du rôle des anarchistes :

En réponse à notre médicastre, populaire et philosophe qui écrit :

…. »Et j'ai très envie d'écrire une histoire du socialisme libertaire. En effet, dès que l'on parle d'anarchie, reviennent les noms de Bakounine, Kropotkine, Proudhon, et c'est tout. On ne parle jamais de Sébastien Faure, d'Emile Armand ou d'autres philosophes qui, s'ils remontaient à la surface, nous permettraient de penser un socialisme libertaire pour aujourd'hui…. »


Emile et Sébastien affirment clairement leurs convictions sur ces deux sujets :

L’anarchiste… entend se désolidariser, et il se désolidarise, des gestes du soi-disant camarades qui, par raison d’opportunisme ou de tactique, défend une forme quelconque de gouvernement ( la République vaut mieux que la Monarchie…etc ), préconise le vote, approuve la guerre. L’ Anarchiste n’a rien à faire avec lui, pas plus qu’avec le juge, le policier, le geôlier, le bourreau, l’élu, l’électeur socialiste ou communiste. Ni les uns, ni les autres ne sont de son « monde »…..
Emile Armand : « Encyclopédie Anarchiste » tome 1 page 536.

Ou encore :

« Anarchiste » : …..donc , en fait comme en théorie,l’Anarchiste est antireligieux, anticapitaliste (le Capitalisme est la phase présentement historique de la Propriété) et anti-étatiste. Il mène de front le triple combat contre l’Autorité. Il n’épargne ses coups ni à l’Etat, ni à la Propriété, ni à la Religion. Il veut les supprimer tous les trois.
Sébastien Faure . « Encyclopédie Anarchiste » tome 1 page 84

Il y a 14 ans, M. Onfray, puisque c’est de lui qu’il s’agit, invité à Radio Libertaire à propos de son livre « Politique du Rebelle », écrivait : …d’où une caducité générale de la pensée anarchiste qui fait de l’Etat son objectif prioritaire et unique ….(sic)
Serait ce que les Emile Armand et Sébastien Faure, qui serviraient de « bonne référence » à Onfray dans son entreprise de refondation anarchiste, seraient « caducs » eux aussi, lorsqu’il écrivent ce qui précède ? Ou alors cette caducité aurait t-elle été contagieuse ?


On pourrait multiplier les exemples de ces demi vérités , de ces interprétations à l’emporte pièce, et lorsqu’il parle, de ce ton péremptoire, sans nuances, de cette logorrhée désertée par le doute ou le simple humour.


….A SUIVRE…. Dans le prochain Anartiste










Sur l’Action violente et révolutionnaire

Puisqu’on évoque Sébastien Faure qu’Onfray pose en modèle de la non violence , de la « non- révolution », de la simple action éducative , de la rénovation par la douceur, opposé qu’il serait en cela aux boute–feux Proudhon , Bakounine et autres, voilà ce qu’écrit l’intéressé lui même :
Critiquant la définition d’Elosu, un des rédacteurs de l’Encyclopédie anarchiste, qui considère comme « incohérente » et tumultueuse » toute violence révolutionnaire alors que la « prise de possession » du « TRAVAIL » sur le Capital peut être « méthodique et sereine », Sébastien Faure énonce ;
« … « Violence anarchiste (la) réplique de Sébastien Faure à l’article de F Elosu sur le même sujet ::

« …La Révolution sociale nous apparaît comme le point culminant et terminus d’une période plus ou moins longue d’éducation, d’organisation, d’agitation intérieure, d’effervescence extérieure, de préparation et d’entraînement à une action de masse ; nous ne saurions la concevoir autrement. Elle sera vraisemblablement précédée de chocs multiples et multiformes , provoqués par les circonstances. Elle s’inspirera des enseignements dont ces chocs…lui fourniront les matériaux….

« … Les Anarchistes sont des tendres, des affectueux, des sensibles. A ce titre ils détestent la violence.S’il leur était possible d’espérer qu’ils réaliseraient par la douceur et la persuasion leur conception de paix universelle, d’entraide et d’ententes libres, ils répudieraient tout recours à la violence et combattraient même énergiquement jusqu’à l’idée même de ce recours.
« Mais pratiques et réalisateurs, quoiqu’en disent leurs détracteurs intéressés ou ignares, les anarchistes ne croient pas à la vertu magique, au pouvoir miraculeux de la persuasion et de la douceur….ils ont la conviction que pour briser les forces d’exploitation et d’oppression, il sera nécessaire d’employer la violence. »

extrait de L’ Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure Tome 4 pages 2874, 2876, 2877.


A la décharge de notre ami Onfray, il faut reconnaître que l’ampleur de ses activités médiatico- philosophiques peuvent lui donner le tournis

Sur le Travail « névrotique »

Un Bourreau de travail :
Il en est à son cinquantième bouquin, ou c’est tout comme. C’est sa drogue. Il dit lui même qu’il « est travaillé par une névrose d’écriture » (1) Il vit avec nous le temps de la productivité, du productivisme, de la « croissance » obligatoire. Sa production s’écoule magnifiquement. Il est compétitif. Son créneau est porteur. Il philosophe à perdre haleine. Il joue sur la corde encore un peu sensible des âmes résignées. Il se désigne « rebelle », révolté, résistant, anarchiste, socialiste libertaire . Il se voit déjà le maître à penser de ceux qui prétendent n’avoir « ni dieu ni maître ». Il est déjà maître d’école. Son école de philosophie est populaire. C’est dire si l’éducation du peuple lui tient à cœur, ce peuple oublié, endoctriné, trompé par les « sorbonnagres » fonctionnaires soumis de l’Education officielle.
(1) revue « Lire » février 2006


La Sainteté par le Travail
Etre sur actif, être compétitif, savoir « se dépasser », s’engloutir dans n’importe quelle tâche, est à la mode. Le cadre moderne doit pouvoir montrer ses capacités sportives et son goût du risque en participant à des « séminaires » de « saut à l’élastique » ou de survie dans le désert… En cas de refus ou d’échec il n’a plus qu’à choisir entre le licenciement et le suicide…

Notre populaire docteur Knock aspire à la sainteté par le travail. Il souhaite, grâce à son dur et persévérant apostolat de laborieux plumitif, avoir la sainte onction de son père. Il déclare :

« …J'ai écrit le Traité d'athéologie de façon très accessoire. Le succès n'est pas mon propos. Mon mètre étalon est ailleurs….
Où cela?
M.O. Mon père. Je suis plutôt content de savoir que mon père pense que mon existence est une existence droite…
…D'une certaine manière, j'aspire à la sainteté…
Quoi? Vous, vous aspirez à la sainteté!
M.O. C'est-à-dire à la droiture morale, à une espèce de rectitude de paysan…. »

Effort et Sacrifice : En cela il rejoint les conceptions de notre médecin américain tenant du « Participalisme » , cette société de rêve qui succède au Capitalisme. Mickael Albert, dans sa « Société Future », construit un système de rémunération du travail calculée sur la base de l’ « effort » et du « sacrifice ».

mardi 4 septembre 2007

Onfray sur radio libertaire

La critique de « La Politique du Rebelle, après l'interview de M. Onfray sur Radio Libertaire.en février 1998

A propos de la parution de « La Politique du Rebelle »
Michel Onfray -Grasset 1997-

"Honneur ! Patrie ! Droit !...
et derrière ces miroirs aux alouettes
Qu'est ce qu'il y a ? "
Les Thibaud - Roger Martin du Gard


Et derrière les mots "Rebelle, Résistance, Insoumission " du livre d'Onfray (Grasset Éditeur, Paris 1997 ), qu'est ce qu'il y a ?

La revue belge « Alternative Libertaire », qui semble s'être pourtant posé la question, n'a pas hésité, par masochisme, à coup sûr, à faire sa "Une" sur le portrait de l'auteur accompagné d'un dithyrambe "Le livre le plus percutant de l'année..."

Percutant certes, comme un coup de bâton, un habile mouvement déstabilisateur d'art martial.

On se demande si le responsable de la revue a choisi son titre admiratif sans avoir lu le remarquable papier de Michelle Beaujan sur le sujet, texte qu'il a modestement relégué à la page 7.
Il n'est pas nécessaire de se référer à la pensée et à la morale anarchiste, comme prétend le faire Onfray, pour décrire et analyser brillamment la condition salariale et l'organisation inégalitaire à vocation concentrationnaire de la Société où nous vivons.

Cet exercice, Onfray le fait avec brio, nous sensibilisant dans ses premières pages (celles reproduites par A.L), quand il décrit sa plongée dans l'univers de l'usine.

Mais comme le remarque, exemples à l'appui, Michelle Beaujan, pour lire et comprendre le jargon qui suit, il faut s'accrocher. Seul l'auteur peut prendre son pied et éprouver une "jubilation hédonique" mitigée de sadisme à nous imposer " la souffrance pour le savoir".
Pour le reste, si nous voulons y voir une pensée conséquente dans sa "résistance", une philosophie ayant quelque rapport avec l'Anarchie, il convient d'y regarder d'un peu plus près.

Une pensée caduque (1)


Pour l'auteur de cet essai sur l'insoumission la pensée anarchiste serait caduque, cette pensée qui "...fait de l'État son objectif prioritaire et unique..."

Il écrit : « …Le problème est moins le pouvoir d'Etat que l'état du pouvoir…D'ou une caducité généralisée de la pensée anarchiste qui fait de l'Etat son objectif prioritaire et unique (sic)…Une pensée anarchiste contemporaine doit rompre avec cette fétichisation de l'Etat car il se réduit à n'être qu'une machine, sans aucun coefficient éthique (sic), juste un mécanisme obéissa,t aux ordres donnés et transmis…. »
Or la lutte contre l'État n'a jamais, même au temps du capitalisme balbutiant et donc solidement étayé par le pouvoir d'État, été le seul et unique objectif des penseurs et des acteurs du socialisme.
C'est le pouvoir d'État, défendant le privilège du capital qui est visé autant que les autre formes de l'autorité oppressive et inégalitaire (Églises, Féodalités industrielles et financières)

Si pour Onfray, l'État n'est "...qu'une machine sans aucun coefficient éthique...", juste un "...mécanisme obéissant aux ordres" ( de qui ? ), on pourrait lui rappeler que lorsque les ouvriers anglais et lyonnais, dans les années 1830/40, s'en prenaient aux "machines" ce n'était pas parce qu'elles disposaient ou non d'un coefficient éthique, ni parce qu'elles allégeaient peu ou prou leurs souffrances physiques, non plus par dégoût rétrograde pour une machine moderne mais parce qu'elles les privaient, entre les mains des patrons, de leurs moyens de survivre. Derrière la machine il y a le capital, même si c'est une machine d'État.

Onfray doit supposer que l'État est une abstraction, un songe creux, que dans la machine d'État il n'y a pas d'hommes de pouvoir avec leur volonté de maintenir leur morale bien à eux de l'ordre établi. Proudhon écrit "L'État est étranger au droit, indifférent à toute idée morale, c'est un simple instrument de force...". C'est cet instrument auquel s'oppose l'anarchiste pour la raison qu'il est le bras armé de l'injustice.

L'age d'or (2)


Pour Onfray la pensée anarchiste est une vieille lune. Elle serait fondée, ( comme s'il s'agissait de la théorie marxiste de la Révolution, comme si les anarchistes avaient comme idéal révolutionnaire la prise du pouvoir pour imposer un modèle social et économique tout prêt, grâce à l'action « éclairée » d'un Parti guide du Prolétariat), sur un "millénarisme doublé de sacrifice à l'utopie classique".
Autant d'affirmations en totale opposition avec les conceptions libertaires. Il est assez triste de rappeler que contrairement à ce que nous promettaient les marxistes et que nous annoncent les libéraux pur et durs du capitalisme moderne, il n'y a jamais eu pour les anarchistes de "Fin de l'Histoire", de paradis futur, de système social clos, définitivement bouclé par quelque prophète terrestre ou céleste.
De même la notion de sacrifice relève de la croyance en un absolu. Elle s'oppose à la pensée raisonnante, au jugement, à l'esprit critique, à l'autonomie de la personne. Seuls des religieux de tout acabit la portent au pinacle : Dieu, l'Etre suprême, la Patrie, les générations futures, l'Homme Nouveau, etc. Autant de fantômes contre lesquels les anarchistes se battent.
• Dans ces conditions et devant ce qu'on espère être une erreur de lecture ou une mauvaise interprétation de la pensée anarchiste, Onfray ne pouvait qu'accumuler les contresens. Quand il parle d'utopie classique (sic) on peut se demander à quoi il fait référence. Ni l'anarchie de Proudhon, ni le Socialisme "pratique" de Blanqui n'étaient "classiques", encore moins "utopiques". "Tout donner au présent", disait Blanqui. Le mutuellisme et le fédéralisme proudhonien sont ancrés dans le concret. Quant à l'idéal libertaire, comme le dit la chanson, il est le contraire d'un modèle social fermé, défini à l'avance. Il est un moteur de l'action contre l'injustice. Il est le fondement des valeurs anarchistes qui supportent cette action ; il est une dynamique permanente soutenant la volonté de l'individu et du groupe dans une société ni statique, ni figée, ni idéalisée, mais au contraire vivant de ses contradictions, de ses antinomies dans un équilibre reposant sur la justice économique et sociale.


• la bête de proie (3)

• Le libertaire serait une bête de proie.
• Il écrit : « … le portrait du libertaire, cette figure célibataire, (sic) appelle les qualités de la bête de proie : flairer, écoute, épier, être sans cesse sur ces gardes… »

• Le moins qu'on puisse dire est que l'image est malheureuse. C'est justement contre la jungle libérale, contre une forme de darwinisme social, contre la terreur planifiée de l'État marxiste que le libertaire affirme l'entraide, la solidarité, la justice , le règlement pacifique et contractuel et égalitaire des conflits, qu'il se bat pour équilibrer, contractualiser les forces en action dans une société. Il se bat contre l'absolutisme, la sacralisation, la concentration du pouvoir.

• le vrai libertaire (p. 219, 221, 222, 225, 237, 238)
• Dérisoire et sans rapport avec l'Anarchie que ce portrait du libertaire, image d'Épinal, tableau d "un Homme Nouveau", figure normalisée de l'anar selon Onfray.
• Protégez moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge... ces amis qui vous embrassent, vous étreignent avec science pour mieux vous étouffer, étouffer les valeurs de l'Anarchie, éteindre la volonté, en finir avec les symboles de la dynamique révolutionnaire.
• Le libertaire nouveau n'est plus un anarchiste "à l'ancienne". C'est un "condottiere" magnanime, un maître es Aïkido, un "dandy révolutionnaire", un esthète de la tête aux pieds.
Il écrit : « …Plieur d'énergie, le Condottiere de mes vœux excelle dans l'art du dressage des forces qui contribuent à la sagesse tragique….Bien sur il triomphe , en figure célibataire et nominaliste (sic), en artiste spécialiste des pointes et de la maitrise du temps efficace, en rebelle ennemi du contrat social auquel il préfère et oppose le contrat hédoniste…. »
« …dans son souci de prévenance, il organise le réel autour de lui…de sorte qu'il triomphe en hédoniste sur le terrain libertaire…Pour parfaire la description et la compléter par sa dimension politique, il me faut dire que le contrepoint de ce personnage conceptuel suppose le Libertaire, moins anarchiste sur le mode ancien que dépositaire de cette tradition de la rébellion dans une perspective résolument moderne… »

• Peut-être l'auteur a t-il voulu complaisamment faire son autoportrait ? Mais quel rapport peut-il exister entre lui et L'homme révolté de Camus, l'anarchiste de Pelloutier qui cherche à s'aguerrir et s'élever par "la culture de soi-même", L'Unique de Stirner affûtant sa force, consommant ses connaissances pour affirmer son sens critique et sa volonté, agissant à la mesure de ses capacités et attaché à combattre l' injustice sociale tout autant que respecter la dignité de chaque individu.

• Tout flatteur vit aux dépens... (4)

• C'est au travers des pages consacrées à l' "éloge" de Blanqui que l'on découvre ce qui pourrait apparaître comme la "morale" de l'auteur.
• Sous la forme d'une adresse faussement admirative, Onfray interpelle Blanqui : « ... Vous, Blanqui, qui avez eu "une existence sans flexions, sans compromissions, sans accrocs (sic) j'aime (moi Onfray le vrai révolté) cette inflexibilité... malgré mille occasions qui vous ont été données d'être un renégat... »
• Comment qualifier les valeurs auxquelles se réfère M. Onfray pour énoncer une telle proposition ? Pour lui, être un renégat n'est qu'une affaire d'opportunité.
• Et pour mieux souligner le peu de poids de la pensée et de l'action de Blanqui, il l'interpelle ainsi : "...On ne peut vous donner aucune profession fixe... en dehors de collaborations épisodiques à la presse d'opposition..." On croirait entendre le Président du Tribunal qui en janvier 1832 demandait à Blanqui inculpé du procès dit "des Quinze", quelle était sa profession, et auquel Blanqui répondait que comme les millions de travailleurs sans aucun droit il est "un prolétaire".
• Onfray insiste pour encenser ce "renégat "potentiel, acteur épisodique de l'histoire , "sans profession fixe : ".".. Si vous l'aviez voulu, vous Blanqui, à force de compromis vous auriez pu être un Gambetta, un Jules Ferry...".
• Blanqui aurait certainement apprécié ce rapprochement, lui qui traitait Gambetta de "traître habituel". Il faut dire qu'en juillet 1871, Gambetta, député champion de l'opportunisme conservateur qualifiait la Commune d' "insurrection criminelle", et vantait "le dévouement et la sagesse" des Conseils de Guerre qui avaient fait fusiller et déporter des milliers de Parisiens.
• Vous étiez un moins que rien, vous auriez pu être un fieffé salaud... tel est le propos d'Onfray. On peut donc rappeler ce que Blanqui disait des mérites d'un colonisateur à la Jules Ferry : "le capital se met à courir le Monde, faisant une chasse furieuse aux débouchés, chasse caractérisée par l'absence totale de scrupules, l'immoralité, la barbarie..." "Toutes les régions du Globe ont souffert et souffrent de la cupidité féroce de ces étrangers qui ne reculent devant aucune turpitude, devant aucun forfait pour assouvir leur soif de gain...".

• Quant à la morale laïque de Jules Ferry, elle est illustrée, un an après la mort de Blanqui, par une instruction que le ministre de l'Instruction et des Beaux Arts (sic) de l'époque, un certain Ferry Jules rédigeait à l'endroit de ses instituteurs hussards : "...Instruction du 27 juillet 1882 : L' École doit enseigner la bonne vieille morale de nos pères, la nôtre, la vôtre car nous n'en avions qu'une..." "...L'instituteur ne se substitue ni au prêtre ni au père de famille; il joint ses efforts aux leurs pour faire de chaque enfant un honnête homme..." S'il n'avait tenu qu'à lui, Ferry aurait même utilisé le même lieu, l'École, pour que curé et instit, en choeur, inculquent la même morale de la soumission à un dieu ou à une patrie.
• Ainsi, après avoir raté l' "occasion" d'être un "renégat", Blanqui aurait pu, s'il avait eu un tant soi peu le sens du "compromis" ou de "l'opportunisme" être un "traître" ou la doublure d'un spiritualiste convaincu.
• Et comme il a bien résisté à ces tentations, Blanqui reçoit un certificat de bonne conduite, pompeux et condescendant de la part de Maître Onfray : "...J'aime qu'on enracine un caractère dans ce qu'il est convenu d'appeler une expérience existentielle fondatrice (sic)..." "...Vous n'avez pas démérité..."
• Pourtant, assène l'auteur toujours sur le mode professoral : "...Vous êtes un incendiaire viscéral", un précautionneux qui évite "...une trop grande proximité avec les insurgés qui aiment les contacts..."; Vous êtes un romantique, un religieux de la politique, vous n'êtes "...jamais là où l'histoire se fait..", vous avez évité l'intendance pour exceller dans la mystique..."

• Mais Je vous absous, conclut Onfray du haut de sa chaire de faussaire, car j'admire votre "...envie faustienne de mettre la politique au service d'un hédonisme au quotidien...".

• Faussaire, car c'est tout simplement l'anti-portrait de Blanqui qui est tracé ici. Austère et sobre par force ou par discipline de vie (33 ans de geôle et 10 ans d'exil forcé), Blanqui est à l'opposé d'un hédoniste de bazar. Socialiste "pratique", comme il le disait lui même, et non pas "romantique". Après les journées de juillet 1830 et le départ de Charles X, il s'écriait en rentrant des affrontements des "Trois Glorieuses" : "Enfoncés, les Romantiques.
• Athée, farouche esprit critique, il pourchasse dans ses écrits (Critique sociale, création du journal « Ni Dieu Ni maître » etc.) avec la plus grande énergie tout ce qui touche au phénomène religieux, tous les agents de l'absolutisme religieux, tout ce qui cadenasse dans un dogme le jugement de l'individu. C'est lui qui souligne que tout spiritualiste "convaincu" est un assassin en puissance.
• Opposé à toute politique, à toute Constitution, à toute forme de gouvernement qui n'auraient pas pour fondement la justice sociale, Blanqui est le contraire d'un "Religieux de la politique". Il écrit : "Une forme de gouvernement n'est point un but mais un moyen et nous ne désirons une réforme politique que comme acheminement à une réforme sociale.". Ou encore : "Sans cette réorganisation radicale, toutes les modifications de forme dans le gouvernement ne seraient que mensonges, toutes les révolutions que comédies jouées au profit de quelques ambitieux".
• Quant aux perfidies gratuites, telles que celles de "l'incendiaire viscéral", du lâche toujours "absent de l'Histoire", aucun des ennemis les plus virulents de Blanqui, depuis Louis-Philippe jusqu'à Thiers en passant par Napoléon III, n'a jamais utilisé pour le poursuivre et le faire condamner de telles flatteries.

• drôle de goût

• Les premières pages du bouquin d'Onfray (celles reproduites dans Alternative Libertaire) peuvent mettre l'eau à la bouche. Enfin un texte qui va sortir du ronron habituel, qui va donner un nouveau souffle à des idées, des valeurs qui nous sont chères, qui va bousculer des certitudes (y compris les nôtres).
• Malheureusement le goût de faisandé s'installe progressivement et la pitance devient progressivement immangeable avec l'apothéose cadavéreuse des "43 camélias" destinés à enterrer une nouvelle fois Blanqui.

• Onfray, que j'ai invité dans mon émission d'actualité sur Radio-Libertaire a pu répondre à un certain nombre de critiques parmi celles exposées ici. Il a eu connaissance des notes qui m'ont servi à préparer l'émission et à faire ce texte. Le débat a été lisse...

• Michelle Beaujan, dont la critique aurait du faire la"Une" de la revue belge Alteernative.Libertaire, avec la tête d'Onfray agrémentée d'un bonnet d'Ane, conclut son papier en se demandant si le bouquin avait été écrit pour être compris par d'autres que des étudiants ou professeurs de philosophie.
• Aux autres, dit-elle, "ce livre intelligent et prudent" mais que vous ne pouvez comprendre peut-être, risque de vous apporter "la confirmation d'un indicible abandon". En effet ! Après avoir été frappé par "le livre le plus percutant de l'année", nous voila sur le carreau, étalés au sol sans connaissance, abandonnés à notre triste sort, résignés, soumis, vaincus.
• Pour ma part je crois que la situation n'est pas aussi désespérée. Le livre d'Onfray n'est ni intelligent ni prudent sauf s'il s'agit de le considérer comme un exercice de style pour le journal d'entreprise de la "Dandy-Hedonist Company Ltd".
• L'Intelligence aurait été de réussir à ne pas décourager la révolte du lecteur. C'est pourtant bien le risque encouru (joyeusement je l'espère, par l'auteur), si l'on en juge par l'hermétisme de la forme et l'approximation du fond de ses propos.
La Prudence aurait été de ne pas réduire la pensée anarchiste à des poncifs éculés ou à des affirmations gratuites. Onfray est encore loin d'imaginer que l'insoumission, la résistance, la révolte se fondent sur des valeurs qui lient étroitement le respect de l'individu à la justice sociale
• Il ne m'a pas paru inutile de saisir "l'occasion" ( comme dirait l'auteur à propos de Blanqui) d'utiliser un "faux-ami" pour rétablir quelques vérités.
• Paris le 25 janvier 1998
• Archibald Zurvan (La vache folle)

Notes : 1 La Politique du Rebelle page 205
2 Opus cité page 207
3 Opus cité page 208
4 Opus cité p.301,305,306,308,309,31,316