VOILA DES LIBERTAIRES
Ce document représente le chanoine du Latran et le prêtre honoraire de « Raël » conversant à bâtons rompus. le cliché est de Mr Ben Slama, professeur musulman modéré de l’Universités des Libertés pour athées et non croyants, à Saint Denis –Basilique. C’est une action créatrice de l’Université « Ni- Dyo- Ni-sos ».
Bréviaire à l’attention des fidèles du
SOCIALISME LIBERTAIRE_HEDONISTE
VOTE . Pour satisfaire tes espoirs
On te conduit à l’isoloir.
Choisis ton maître, car tu sais bien
Que sans lui tu ne serais rien.
ETAT. Sers l’Etat avec dévotion
Il est neutre et sans son action
La pauvreté et l’injustice
Règneraient, ainsi que le vice ;
CAPITALISME :
C’est bien le meilleur des systèmes
Et pour cela il faut qu’ on l’aimes
Entreprenant, compétitif
Pourquoi donc le trouver fautif ?
S’il provoque des débordements
Reprends le, « libéralement ».
Et si, il te mets sur la paille
Pardonnes lui sans chercher maille
REFONDATION .
Sauvez la gauche assurément
Le Socialisme en même temps.
A moindre frais et sans panique
Adressons une humble supplique
A nos amis héréditaires
Au grand sourire autoritaire.
SCIENCE
Aimons l’atome, le clone et le génome
Ne faisons pas aux savants la morale
Ils savent mieux que nous ce qui est bon pour l’homme
Aimons l’atome, le clone et le génome,
Nous deviendrons poussière, c’est notre issue fatale.
TRAVAIL
Effort et sacrifice , le travail est sacré
Ce doit être pour nous bien plus qu’une névrose
Montrons notre sueur, sachons tout endurer
Soit bourreau de travail, et vois la vie en rose.
ANARCHIE
Ne tombe pas dans la croyance
Que ce vocable suranné
Ait pu avoir quelque existence
Ou bien tu te feras moquer ;
Vieilles lunes, idées démonétisées
Radotages et billevesées
Ne nous encombrons pas la cervelle
Agissons plutôt sans retard
Regardes comme l’action est belle
Quand elle s’appuie sur du brouillard
11 12 2008 AZ
mercredi 10 décembre 2008
VOILA DES LIBERTAIRES
dimanche 30 novembre 2008
Mais qu'est ce k'ONFRAY sans lui
Engagez vous, Rengagez vous …
Joyeux compagnons
Militez dans
L’ Hédonisme Actif
La Tragédie d’un orphelin :
Vous avez raison braves agents de l’Université Popu de St Denis- Basilique. Il faut savoir aimer son prochain. Recevoir un orphelin, lui faire la charité de le laisser s’exprimer, d’une parole plaisamment militante, voilà qui fait partie de notre dogme sacré.
Bravo pour votre souci bienveillant de protéger un pauvre homme qui a perdu sa famille, un courageux pédago désemparé, réprimandé, disputé sans retenue par ces Anarchistes d’aujourd’hui, vers les quels il tendait humblement la main.
Ah, on voit bien que vous connaissez non seulement notre « dogme » mais aussi bien notre « catéchisme » et l’un de ses commandements : « Lorsque vous recevez une gifle sur la joue droite, tendez la gauche »
Des esprits mesquins auraient boudés, en effet, aux propos du charmant barbicole que vous recevez dans vos murs protecteurs. Et il est vrai qu’il n’avait pas mâché ses mots quand il parlait ou écrivait sur les anarchistes, par exemple, le 20 12 2007 à l’un de nos compagnons, " …pour ma part, j’ai fait mon deuil : cette famille a cessé d’être la mienne (et j’ai bien eu tort de le croire un temps)…. "
Vous avez bien benoîtement interprété notre évangile qui nous chante que celui qui fait preuve de méchanceté envers nous n’a qu’un motif, c’est qu’il nous aime. Le cuistre dirait :« Qui bene amat, bene castigat ».
Et c’est un fait qu’il nous aime bien votre réfugié hédoniste. Il nous aime et prend soin de notre bagage philosophique, culturel et social comme avec des adolescents. Il parle d’or : « il y a des anarchistes dont certains ne sont pas du tout soucieux du réel : Je suis abonné au Monde Libertaire et je le lis parfois avec consternation…Comment est ce qu’on peut croire à une chose pareille… Quand on a 14 ans, 15 ans c’est bien… »
Ce sera votre bonne action de savoir défendre un pauvre maître d’école, qui, mis à part tous les Médias, fait l’objet d’attaques cruelles, d’une véritable chasse aux sorcières de la part d’autres philosophes et écrivains. Dans un méchant pamphlet récent ("Chers Imposteurs"), l’auteur l’embarque dans la même galère que BHL et Sarkozy et assimile la généreuse production d’Onfray à des produits sortis tout droit de « Monoprix ». Un autre , professeur de philosophie, il est vrai traité par notre pédago de « sorbonnagre », se venge en lui accolant l’étiquette de « poujadiste ». Bref, il est noble de mettre fin à ces rivalités désuètes et de ramener « la paix dans la joie » et le plaisir.
Bien sûr et heureusement que notre « dogme » prescrit qu’il faut savoir avaler des couleuvres. Pour toute la grande famille anar, d’hier et d’aujourd’hui, ça fait un peu mal de lire dans l’un des derniers produits du barbicole, « La Pensée de Midi », et dès la première page, que les anarchistes sont des « .. tenants du dogme anarchiste - frères en cela des bolcheviques. »
Enfin, chers frères de la Basilique royale, tout ce que nous savons, c’est que nous ne savons rien. Et grâce à votre louable initiative, le 12 décembre sera jour de liesse puisque nous pourrons enfin discerner le vrai. L’Anarchie n’aura plus de secrets pour nous. Nous serons enfin capables de savoir que dire, qu'écrire, que faire.
Notre militantisme sera expurgé de ses scories, notre engagement sera joyeux. Et le logo de notre carte d’ « encartage » représentera une basilique et un savant popu. Ecoutons la voix du prophète :
"Et ils ont du mal les anarchistes, un certain nombre d'anarchistes.... parce qu’ils sont souvent dans le catéchisme les anarchistes, ils sont souvent dogmatiques…je pense plutôt aux gens… Fédération Anarchiste…ils ont une carte…donc ils sont "encartés"…ils ont adhéré, ils vont à des matchs (?).. ils sont abonnés…et pis "Y a des mots d’ordre"……on se retrouve ensemble pour savoir quel sera le mot d’ordre… ça me paraît pas la meilleure façon d’être anarchiste…il faut être anarchiste dans l’Anarchisme…soyez anarchiste dans ce corpus anarchiste… »
Et encore, dans l’un de ses grands moments d’inspiration et de doute…
« Qu’est ce que ça veut dire d’être anarchiste aujourd’hui ?…Est ce que ça a encore un sens ? ou est ce que ça suppose qu’on descende dans la rue avec un drapeau noir CNT et en disant « Sarko Facho » et ce genre de choses, c’est facile, ça mange pas de pain mais ça fait pas avancer la cause anarchiste ».
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Le Premier de Décembre 2008 Archibald Zurvan
mardi 18 novembre 2008
LIRE ...un Crime?
LIRE … UN CRIME ?
Le livre « L’Insurrection qui vient », rédigé par un collectif signant « Un Comité Invisible » et édité par la maison d’édition « La Fabrique » dirigée par Eric Hazan serait considéré par la brigade « Terroriste » des Services de Police spéciaux parisiens, comme « Pièce à conviction ». à la charge de plusieurs habitants du village de Corrèze, Tarnac.
Ce « Terrorisme d’Etat » faussement baptisé « anti » s’exerce actuellement dans l’affaire de Tarnac et de l’un des 27000 actes dits « de malveillance » survenus sur le Réseau Ferré de France » en 2008 .
Dans le cadre d’une « Série Policière » télévisée et présentée comme un journal d’information « véridique » comme à l’accoutumé, nous avons pu voir un groupe d’une dizaine de personnages au visage dissimulé par une cagoule noire et harnachés de vêtements spéciaux protecteurs, prenant d’assaut sans aucune raison apparente, une paisible habitation corrézienne du petit village de Tarnac.
Le problème est que les acteurs ridicules de cette fiction co-produite avec le FBI se sont pris au sérieux et qu’ils ont réellement et sauvagement agressé et livré à la police et à la justice des personnes totalement étrangères au scénario du réalisateur.
Depuis plusieurs jours, enivrés par leur coup de force, roussins, matons et chats fourrés s’en donnent à cœur joie sur leurs victimes. Violences de toutes sortes, provocations, menaces, chantage pour leur faire inventer une histoire qui permettrait à leurs bourreaux de présenter une justification à leurs procédés criminels.
Comme par hasard, les encagoulés de noir qui ont envahi brutalement un domicile privé, y ont découvert des cagoules noires. Comme par hasard les bourres aux uniformes bien rembourrés ont découvert des gilets pare balles.
Et pour faire bonne mesure ces analphabètes ont découvert un objet qu’ils n’avaient jamais encore repéré : un livre. « L’insurrection qui vient… ». C’en était trop. Eux qui ne se sont jamais insurgés contre les pires vilenies, les plus abjects ordres de leurs supérieurs, dont la misérable lâcheté a été d’obéir à la loi, quelle qu’elle soit, se sont déchaînés contre ceux qui, debout, savent faire face, pour qui la résistance est une morale concrète, pour qui, dirait Albert Camus « la révolte, c’est la vie ».
L’histoire bégaie. Dans les années 1940, sous le règne du massacreur de Verdun, Laval et ses milices pratiquaient les agressions armées contre ceux qui ne « pensaient pas pareil ». Interdire ou brûler des livres, c’était de la saine propagande à la « Goebbels ». Arrêter ou brûler des hommes, était sans risque pour les bourreaux. Aujourd’hui, le « Laval » du chanoine du Latran s’installe à Vichy pour la chasse à l’étranger.
Aujourd’hui, l’étranger n’est pas seulement celui qui vient d’ailleurs, fuyant souvent la misère ou la persécution, c’est aussi le marginal, l’insolent qui vit en communauté, le squatter, le manifestant, l’anti- productiviste, l’anti-consumériste, l’anti- nucléaire, l’anti- conformiste, écoeuré par la Société du spectacle et la Finance reine, celui qui n’accepte pas un ordre fondé sur la loi de la jungle et le mépris des hommes.
Alors, qu’un comité de soutien aux incarcérés de Tarnac se mette en place, témoigne que le décervelage, la « Propaganda Staffel hitlérienne» du chanoine n’ont pas atteint et infecté tous les cerveaux. Qu’on voit entraver ce que Castoriadis appelait « La Montée de l’Insignifiance » par cet acte de résistance est un signe.
Mais ce n’est pas seulement pour défendre les personnes agressées, emprisonnées, interdites de parole et malmenées par les argousins à Tarnac que la résistance doit se poursuivre. Ce n’est pas seulement pour la liberté d ‘expression. C’est contre ce terrorisme d’Etat qui maltraite et aveugle, ce terrorisme du mensonge, de la peur, de la délation, de la « présomption de culpabilité ». Car alors, si la soumission, la lâcheté, la servitude inconsciente ou volontaire deviennent la règle , nous subirons malheureusement d’autres coups de « Tarnac ».
17 11 2008 Archibald Zurvan
samedi 13 septembre 2008
Siné: A propos du N° 1 de Siné Hebdo
Siné- hebdo N°1 et la Radio sans Dieu ni Maître
Branle bas de combat ! Tout l’ monde sur le pont…A vos postes ! Et ouvrez vos mirettes ; Il est sorti le vaisseau amiral, le drolatique follicule du troisième millénaire…Siné H est arrivé sans s’presser come le grand Zorro … C’est pas tous les jours fête. Enfin voilà une gazette mal élevée, maléducata, disgratiata.
Siné, petit mal élevé ; T’as même pas un mot grossier pour les gonzes de ta radio préférée, celle qui t’as mis le pied à l’étrier (1). T’es pourtant pas un mauvais ch’val . C’est peut être, comme dit Alfred, qu’on fait pas dans « l’indiscipline aveugle ». Peut être, trop « voyante » notre indiscipline. Passons . On va pas s’engourdir dans la bouderie. On va quand même le disséquer ton number one.
On a mis l’paquet. On a les moyens. On a des spécialistes de la Statistique, la plus belle expression du mensonge, comme dit l’autre. Deux millions d’auditeurs, Enquète d’opinion, Echantillon représentatif estampillé « Edwige- Navigo » ; on peut dire qu’on a pas lésiné. Et tu vas voir le résultat est à la hauteur.
Nos auditeurs sachant lire ont trouvé globalement potable ton rafiot décoré en vaisseau amiral. Juste quelques misérables cul-serrés qui ont trouvé la peinture encore fraîche , quelques caïmans qui ont noté « peut mieux faire ». Mais faut pas te mettre la rate au court bouillon pour ça. Y a toujours des rabat-joie.
D’autant que notre échantillon représentatif a donné la meilleure note aux crobards et aux brocards de l’amiral, c’est à dire toi, oui, toi le Patron.
Quelques cultureux, cependant, ont regretté ton bien intentionné salmigondis : Les anars ne sont pas des adeptes du « To Bin or not To Bin » . Taxer la spéculation financière , c’est l’approuver et l’ encourager. C’est bon , comme dirait Hasek, pour les membres du » Parti pour une Réforme modérée dans les limites de la Loi ». Pas pour les anars. Cela n’empêche pas de s’unir sur un objectif ou une idée. Quelqu’un a dit : « L’ Unité , c’est l’harmonie des contraires, la Totalité , c’est l’écrasement des différences »
Quant à tes préposés, les palmes de la mauvaise éducation, de l’élevage défectueux (en batterie souvent), ont été plantées , sous forme de bonnet d’âne, sur la caboche de l’ Entarteur, pour sa verve . Un vrai mal élevé jubilatoire . Idem pour tous les dessinateurs. Mais pour eux c’était du nanan …ils ont pas à s’emberlificoter sans filet imagé dans la tchatch sur papier.
Quant aux chroniqueurs, notre échantillon représentatif et estampillé de lecteurs – auditeurs de RL avait à délivrer (ou non) la distinction suprême : le Bégonia d’Or.
Avec l’ Entarteur, quelques autres joyeux drilles sans éducation ont décroché le pompon ; l’un pour son hymne à la schnouf, l’autre pour sa gueulante anti cagnardise. Par ailleurs, « Y’ a que la foi qui tue » a fait mouche. Et ils ont eu la larme à l’œil à la pensée de la disparition du « Pot au Feu » d’Arthur. Cinq bégonias d’or, pour un début, c’est pas mal. Pour les autres malappris, c’était pas fastoche. Ils avaient choisi un sujet peu propice à cherrer, ou ils avaient pas encore la fibre.
Et c’est vrai que choisir comme thème la « politesse du désespoir », la « morale des grippeminauds enjuponnés », « l’euphémisme langagier », ou une « promesse d’artillerie anti patrons », ça facilite pas la rigolade mal élevée. Et puis y a ceux qu’ont pas osé rire ou approfondir. Par exemple une « moribonde » ( Attac) victime d’une taupe suisse payée par Nestlé, ou encore un « poulaga dessoudé par un coq en plâtre », et aussi le « crétin utile » illustré,
Egalement, les « têtes bien faites ou trop pleines », autant de sujets qui, même si on donne pas aux pauvres, dirait Pierre Dac, prêtent à rire .
Le goût pour la loi Gayssot qui organise la censure d’Etat sous prétexte de réprimer la connerie n’a pas été du goût de nos lecteurs ; On peut lire en effet chez Vaneigem « interdire une opinion nauséabonde » (sic) , ça va de soi ! • Pour le reste, nos « enquêtés d’opinion » sont demeurés pantois, figés devant « L’anarchisme en une seule leçon ». Quant aux « Maîtresses de Dracula » et au Restau à 50 euros , ça leur est resté en travers du gosier.
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Pour conclure, les collaborateurs de notre Radio bien aimée poursuivent le dépouillement de cette gigantesque enquête d’opinion . Nous ferons part des derniers résultats après la parution du numéro 2 de ton estimée et désopilante gazette , je veux dire : Siné Hebdo.
Archibald Zurvan Chronique Hebdo 12 09 08
vendredi 30 mai 2008
RESUMES DES THEMES ABORDES
ARCHIBALD ZURVAN ET SES ECRITS
Résumés des thèmes abordés
Les textes que vous pouvez lire dans ce Blog sont inspirés par l’histoire, les valeurs morales fondatrices de l’Anarchie, l’analyse de la Société d’aujourd’hui, de l’action libertaire au présent.
« Le Juste et l’Egoïste. Stirner. Proudhon »
Instruire ou Eduquer ? Ouvrir l’esprit ou formater l’individu ? Apprendre à juger par soi même ou répéter la leçon et obéir à l’aveugle ? Faire des individus de simples « créatures », objets indistincts du « Troupeau » ou les aider à s’émanciper du poids de leur histoire et leur permettre d’être des « créateurs » de leur vie ? Stirner et Proudhon nous exposent ce qu’ils entendent par « Justice » ou « Egoïsme » et leurs définitions ne ressemblent pas à celles que les « Maîtres » et les « Serviteurs de Dieu » nous ont inculqués .
« George Orwell, à propos du Sport »
Un article écrit en 1945 par Orwell à l’occasion d’un match de football « Arsenal / Moscou ». Le sport , c’est la guerre sans les armes, écrit-il. Lorsqu’ aujourd’hui, on voit l’agressivité des supporters, des joueurs, des reporters, du public tous excités par le déroulement et l’issue du « combat », on ne peut que baisser la tête ! Non seulement on assiste à des batailles rangées, mais, à l’instant du choix des joueurs pour le « combat », les journalistes commencent par désigner à l’opprobre public ceux qui n’ont pas été choisis. Vae Victis !
« Dignité et Commerce » (Elysée Reclus)
La disette, voire la famine règne aujourd’hui dans une grande partie du Monde. Ce sont les « révoltes » de la faim. Le système économique capitaliste fondé sur le profit immédiat, maximum du plus fort est l’une des causes essentielles avec la spéculation sur les cours des produits. Mais à l’origine de cette catastrophe il y a le Commerce international fondé sur l’élimination progressive des autonomies vivrières. Chassés de leurs terres, contraints de se plier au mode de subsistance des pays riches, des populations entières meurent. Déjà en 1900, Elysée Reclus considérait ce « Commerce » et la « Réclame » qui l’accompagne comme un crime.
« ACTUEL MARX »
La « morale » marxiste en action en 1871. On savait que selon le dogme marxiste, la fin justifie les moyens. Bien avant Staline et ses épigones, nouveaux inquisiteurs, pratiquants de la chasse aux sorcières, procureurs et bourreaux des « infidèles » au « Petit Père des Peuples, il y eut Karl Marx. Pendant la « Commune » de 1871, il vouait aux gémonies les ouvriers parisiens, Proudhon et Bakounine, comptant sur Bismarck pour démontrer la supériorité de ses idées sur celle de Proudhon. Engels en rajoutait dans l’ignoble. En 2008, encore, les marxistes défilent au Père Lachaise pour glorifier les fédérés de 1871 que leur Maître souhaitait voir exterminés.
« Onfray « sans famille »
Michel Onfray nous écrit : « …pour ma part, j’ai fait mon deuil : cette famille ( Les Anarchistes) a cessé d’être la mienne (et j’ai bien eu tort de le croire un temps)…. » Ira t il jusqu’à abandonner l’Anarchie, son nom de famille, ce mot dont il écrit dans son « Abécédaire » qu’il n’existe pas et qui, pourtant lui a servi de sésame pour entrer dans la cour des grands.
Pour l’instant notre orphelin est en colère. Deux pages entières de cris de haine et de ressentiment. Il appelle à la rescousse Brassens et Camus , pauvres victimes, comme lui, de la terreur anarchiste. Il s’étrangle de grossièretés : « …vous (anarchistes) vous avez chié dans les bottes de Camus.. »
« Stéphane Courtois sur Radio Libertaire »
Cet « historien » autoproclamé spécialiste de l’URSS, a été l’un des plus fervents admirateurs du « Communisme Stalinien ». Depuis la chute de son Idole il a compris tout l’intérêt qu’il pouvait y avoir pour lui à entreprendre une saga anticommuniste et à rallier le camp des renégats et des soutiers sans scrupules du capitalisme pur et dur. Il a donc commis successivement deux pavés de fort tirage et donc de fort rapport pour lui. . Ces deux pavés s’intitulent « Le Livre Noir du Communisme » et « Du Passé faisons table rase ». La Hargne et la repentance de l’auteur n’ont d’ égales que la débilité de ses analyses prétendument historiques et de ses commentaires sur l’origine de la dictature stalinienne.
« L’ Anarchie selon M. Onfray »
Dans un numéro de la revue « Lire », Michel Onfray, « philosophe » du poujadisme « libertaire », comme le désigne un autre professeur de Philosophie, prétend que l’Anarchie « n’existe pas » et s’en prend avec une violence haineuse aux chroniqueurs du journal et de Radio Libertaire. La virulence et le peu de poids de ses propos insignifiants font penser à l’insupportable dette de reconnaissance qui affecte Monsieur Perrichon dans une comédie de Labiche. En effet Michel Onfray, avant d’être le « rabatteur d’audience » de toutes les télévisions, s’est fait une renommée (dommage !) grâce à Radio Libertaire qui l’avait invité pour évoquer l’un de ses premiers livres « La Politique du Rebelle ».
« Ecologie ou Anarchie »
Un universitaire, Philippe Pelletier, compagnon de route des membres de la Fédération anarchiste s’est fait le spécialiste de l’Ecologie considérée comme une imposture. Il y a 30 ans il rédigeait une brochure intitulée « L’ Imposture Ecologique ». Depuis il n’a de cesse , enfermé qu’il se trouve dans sa dénonciation sans nuance de cette « imposture », de publier de nombreux articles dans notre journal, tentant désespérément de convaincre ceux qui contestent ses conceptions simplistes sur le rapport entre l’Ecologie et l’Anarchie. Et il est vrai que ses obsessions sur le thème « Si les capitalistes, si les fascistes, si le Maréchal Pétain, si les Médias aux ordres des pouvoirs sont favorables à l’Ecologie, les anarchistes doivent s’y opposer ». A partir de ce mode de raisonnement tout est possible. Et le délire de Pelletier nous émeut. Un autre modèle économique est impraticable et dangereux ; La « décroissance », la lutte contre la société de gaspillage et de consommation provoqueraient la famine dans les pays pauvres…et ainsi de suite. Il vaut mieux, dit cet anarchiste de pacotille, dans un dernier article du Monde Libertaire , supporte la « merde » capitaliste en attendant son hypothétique disparition » (sic)
« Et Voilà L’ Travail »
**Un « poème tragique « illustré par des grands noms :
En 1830, Blanqui comparaît les conditions de l’esclave des colonies françaises et celle du salarié : « Il y a du reste moins de différence qu’il ne parait d’abord entre l’état social des colonies et le notre. Ce n’est pas après 18 siècles de guerre entre le privilège et l’égalité que le Pays, théâtre et champion principal de cette lutte, pourrait supporter l’esclavage dans sa nudité brutale. Mais le fait existe sans le nom, et le droit de propriété, pour être plus hypocrite à Paris qu’à La Martinique n’y est ni moins intraitable ni moins oppresseur... »
En 1941 Louis Ferdinand Céline écrivait :
« ...S’il m’est permis de risquer un mot d’expérience sur le tas, et puis comme médecin, des années, un peu partout sous les latitudes, il me semble à tout bien peser que 35 heures c’est le maximum par bonhomme et par semaine au tarabustage des usines, sans tourner complètement bourrique...
« ... Y a pas que le vacarme des machines ; Partout OU SEVIT LA CONTRAINTE c’est du kif au même, entreprises, bureaux, magasins, la jacasserie des clientes c’est aussi casse-crane écœurant qu’une essoreuse-broyeuse à bennes...
Partout ou on obnubile l’homme pour en faire un aide-matériel, un pompeur à bénéfices, tout de suite c’est l’enfer qui commence ; 35 heures c’est déjà joli... »
Quant à Frédéric Nietsche il s’élevait contre cette espèce de « Sacralisation » du travail, ce « tripaliom » romain.
« Dans la glorification du travail, dans les infatigables discours sur “la bénédiction du travail”, je vois la même arrière pensée que dans les louanges des actes impersonnels et conformes à l’intérêt général : la crainte de tout ce qui est individuel.
» On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail — c’est-à-dire de ce dur labeur du matin au soir — que c’est là, la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, du désir, du goût de l’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine ; il place toujours devant les yeux un but minime... » Nietzsche Frédéric, Aurore,
« Les Diafoirus de l’Anarchie »
Quel Remue Méninges ! Ces derniers mois, L’ Anarchie est à la mode. Qui voudrait s’en plaindre ? Le « Magazine littéraire », « Philosophie magazine », le « Monde diplomatique » , pour ne citer qu’eux consacrent de longs développements à ce sujet « porteur ».
Et même France Culture, dont la réputation conservatrice n’est plus à faire, vient de consacrer, il y a quelques jours une émission à l’ »Anarchisme ».
Mais cet intérêt soudain pour l’Anarchie a une allure de mise en scène, d’ un spectacle de pacotille, d’ une tentative de banaliser jusqu’à l’insignifiance , une philosophie, une morale un mode d’action insupportables aux tenants du pouvoir , d’un pouvoir social ou intellectuel.
Voilà don l’histoire de ces « diafoirus », ces baladins du spectaculaire, ces « faux amis » qui présentent comme un remède dont ils ont la paternité et le brevet ; les idée diffusée depuis des lustres par tous les pouvoirs , d’une Anarchie, utopie déraisonnable, illusoire, et d’anarchistes ressassant de « vieilles lunes » ou pris d’accès de violence.
« Onfray sur Radio Libertaire »
Michel Onfray était l’invité de l’émission « Chronique Hebdo sur Radio Libertaire en février 1998., pour discuter de son livre « La Politique du Rebelle ». Voici quelques unes des réflexions inspirées par cet entretien…
C'est au travers des pages consacrées à l' "éloge" de Blanqui que l'on découvre ce qui pourrait apparaître comme la "morale" de l'auteur. Dix années plus tard, il n’en a pas changé.
Sous la forme d'une adresse faussement admirative, Onfray interpelle Blanqui : ... Vous, Blanqui, qui avez eu "une existence sans flexions, sans compromissions, sans accrocs
(sic) j'aime (moi Onfray le vrai révolté) cette inflexibilité... malgré mille occasions qui vous ont été données d'être un renégat..."
Et pour mieux souligner le peu de poids de la pensée et de l'action de Blanqui, il l'interpelle ainsi : "...On ne peut vous donner aucune profession fixe... en dehors de collaborations épisodiques à la presse d'opposition..."
Onfray insiste pour encenser ce "renégat "potentiel, acteur épisodique de l'histoire , "sans profession fixe : ".".. Si vous l'aviez voulu, vous Blanqui, à force de compromis vous auriez pu être un Gambetta, un Jules Ferry...".
Et comme il a bien résisté à ces tentations, Blanqui reçoit un certificat de bonne conduite, pompeux et condescendant de la part de Maître Onfray : "...J'aime qu'on enracine un caractère dans ce qu'il est convenu d'appeler une expérience existentielle fondatrice (sic)..." "...Vous n'avez pas démérité..."
Pourtant, assène l'auteur toujours sur le mode professoral : "...Vous êtes un incendiaire viscéral", un précautionneux qui évite "...une trop grande proximité avec les insurgés qui aiment les contacts..."; Vous êtes un romantique, un religieux de la politique, vous n'êtes "...jamais là où l'histoire se fait..", vous avez évité l'intendance pour exceller dans la mystique..."
Mais Je vous absous, conclut Onfray du haut de sa chaire de faussaire, car j'admire votre "...envie faustienne de mettre la politique au service d'un hédonisme au quotidien...".
N’est ce pas que ces quelques citations vous donneront envie de découvrir qui de ce deux personnages,Blanqui, Onfray, est « Le Bon, et qui est Le Truand !
mardi 27 mai 2008
Le Juste et L'Egoiste Stirner-Proudhon
LE JUSTE ET L'ÉGOÏSTE
STIRNER et PROUDHON
L'ÉDUCATION...? MAIS POUR QUI ?
Dans l'Introduction par laquelle a été présenté le Colloque de la Société Proudhon , en décembre 1994, on peut lire, parmi les questions abordées sur le thème de l'Éducation, celle-ci : Quels types d'hommes veut-on former ? 15 ans plus tard, cet éternel sujet est évidemment toujours d’actualité.
C'est sur cet aspect particulier du thème général que je voudrais présenter mes observations, à la lumière des réflexions de ces deux penseurs.
Pour autant, la question ainsi délimitée, s'inscrit dans la problématique générale, examinée par ailleurs, du rapport de l'Éducation à la Société et à son histoire.
De quel monde sommes-nous sortis, dans lequel vivons-nous ? Où voulons-nous aller ?
Toutes les époques ne seraient-t-elles que des époques de transition, de voyage vers l'inconnu ?
L’éditorialiste du Monde Diplomatique (1), s'avoue impuissant à définir ce voyage. Cinq ans après la chute du mur de Berlin, « nul ne sait comment qualifier cette ère nouvelle dans laquelle nous sommes depuis lors entrés ? » Et il s'interroge : « qu'est ce qui caractérise le monde aujourd'hui ? Quelles sont les principales lignes de force de cette formidable période de transition ? » Et il ajoute :
Contre « la main invisible » qui « régit despotiquement l'ensemble de l'activité humaine... peut-on oublier que la démocratie demeure essentiellement un projet éthique fondé sur la vertu et sur un système de valeurs sociales et morales qui donne un sens à l'exercice du pouvoir ? »
Or la démocratie, au sens que paraît lui donner le journaliste, et loin de ressembler à cette « démopédie », chère à Proudhon. N'est-elle pas, plutôt ;un mot refuge d'une fragilité telle qu'elle ne peut fonder ces valeurs ?
Analysant la réalité sociale de son époque , Proudhon remarque au contraire :« ...C'est le contexte de la vie réelle suggérée par la nature et de l'Éducation factice... qui a fait naître en moi le doute philosophique, et m'a mis en garde contre les opinions des sectes et les institutions des sociétés... »(2).
Et l'éducation de tous n'est-elle pas d'abord celle de chacun. La tienne, la mienne ?
L'incertitude, l'inquiétude, face aux temps présents, conduisent des penseurs modernes vers des refuges ou des renoncements. Dans un entretien (3) entre Blandine Kriegel et Marcel Gauchet, ce constat est éloquent. Tandis que l'une se réfugie dans une nouvelle version du « droit naturel » de la « nature humaine », l'autre, interrogé sur les Droits de l'homme et la Révolution française écrit : « ... la tension entre les droits individuels et le pouvoir social est en train de rendre extrêmement problématique l'exercice de l'éducation. Celle-ci suppose à la base une certaine antériorité et une certaine supériorité du monde de la culture sur les repères spontanés des individus. Elle comporte une part inéliminable d'imposition normative. Or, force est de constater que cette base est de plus en plus érodée par le principe d'affirmation de soi. Peut-être la société des individus est-elle destinée à s'avérer une société d'individus inéducables... en même temps du reste qu'avides d'éducation au titre de leur épanouissement personnel... »
Et il ajoute, dans un frisson religieux plein d'espérance : « ... rien ne permet d'exclure la réinstauration d'un ordre sacral, même si rien ne l'annonce pour le moment »...
Ainsi, pour ce penseur de la fin du vingtième siècle, le « principe d'affirmation de soi », mesure de la personnalité de l'individu, aurait connu une réalisation, serait entré dans les faits et aurait ainsi abouti à fabriquer des individus « inéducables ».
Au moins cette tragédie aurait-elle laissé ces « inéducables » « avides d'éducation au titre de leur épanouissement personnel. Cela signifierait que leur « inéducabitité » ne les a pas dégoûtés de l'éducation et qu'ils cherchent par eux-mêmes, sans modèle contraignant, leur épanouissement personnel.
Il faut croire que, selon ce « penseur », le « développement, la formation d'un être humain » qui définissent l'éducation, n'ont rien à voir avec l'épanouissement personnel.
L'idée, qu'au nom de son « antériorité », de sa « supériorité », le monde de la culture pourrait « imposer » sa vérité comme indiscutable et ainsi former à son moule des créatures normalisées, est sans rapport avec un processus éducatif.
Condorcet le soulignait avec force, pour qui l'école ne peut plus être regardée comme un outil d'adaptation sociale, mais un organe de la liberté, pour qui tirer autorité du passé ou de l'ordre établi est inacceptable : « ... tout ce qui porte l'empreinte du temps doit inspirer la défiance bien plus que le respect »... (4).
« ...les législateurs ne doivent pas se borner à ne pas mettre obstacle aux lumières qui pourraient conduire les citoyens à des vérités contraires à leur opinion personnelle ; il fait qu'ils aient la générosité, ou plutôt l'équité de préparer eux-mêmes ces lumières »... (5)
Deux hommes qui ne renoncent pas.
Proudhon, « sentinelle avancée de la révolution », se bat pour faire avancer les principes inaugurés par 1789, détournés et reniés par la suite, et sur lesquels peut s'établir selon lui une justice, une éthique de l'individu et de la société.
Stirner, (décembre 1994 marque le 150e anniversaire de la parution de son œuvre "Unique"), (6) souligne, dans un article publié en avril 1842 dans la Gazette Rhénane et qui s'intitule « Le faux principe de notre éducation », que l'essentiel est la formation du caractère et la construction d'une morale personnelle, au-delà des querelles sur les programmes éducatifs. Une éducation, qui « converge vers un foyer unique : la personnalité ».
Si pour Proudhon, la Révolution est indiscutablement fondatrice, Stirner se pose la question de savoir ce qui peut « exprimer le mieux l'esprit » de son temps. Il considère qu'il est de ceux dont l'intervention dans le débat peut faire avancer les choses.
« Sans notre intervention, notre temps ne donnera pas naissance au terme adéquat ».
Il se propose, pour répondre à une mode (elle aussi éternelle) de classification des idées générales, de se placer dans le camp « des moralistes », des « personnalistes »(6bis), puisque « l'objectif final est l'éducation morale ou la formation éthique » de la personne.
Il ne s'agit pas d'une morale positive, mais d'une démarche renforçant « l'éveil de la force d'opposition » « affirmant une volonté, non pas brisée, niais transfigurée ». (7)
1. Les Créatures, les Fidèles de Dieu ou de la Cité
« ... Qu'est-ce que l'homme devant les dieux, avait demandé le prêtre ?
Qu'est-ce que l'homme devant la cité ? demande à son tour l'homme d'État. Et le communisme, l'impérialisme, l'utopie envahirent la terre ; on fit bon marché de la personne humaine... il n'y eut plus que des sujets et des fidèles ». (8)
« ... l'homme veut être respecté pour lui même, et se faire respecter lui-même. Seul il est son garant, son protecteur, son vengeur. Dès que sous prétexte de raison d'État ou de religion des dieux vous créez un principe de droit supérieur à l'humanité et à la personne, tôt ou tard le respect de ce principe fera perdre de vue le respect de l'homme »...
Quant à Stirner, il se pose la question de savoir si nous voulons former des « créatures » ou des « créateurs ». (9)
Abstraction et raison
Proudhon souligne le danger inhérent à tout concept, à toute spéculation intellectuelle non fondée sur la réalité observable.
Il convient de ne pas raisonner sur « l'en-soi des phénomènes, sur l'absolu ». (10).
« ...le fait que la vue d'une chose nous conduit à désigner dans notre langage « l'en-soi » des phénomènes, l'absolu... ne nous permet pas de raisonner de l'absolu lui-même comme d'une chose donnée dans notre empirisme et notre raison pratique »...
Et pour expliciter son analyse, Proudhon cite les « conceptions » ou « concepts » d'espace, de temps, de matière, qui en eux-mêmes ne sont que des spéculations ni sujettes à « démonstration », ni des éléments de « connaissance ». ( 11)
Quant à Stirner, il va plus loin encore ; pour lui, il convient de ne pas faire preuve d'humilité devant le « spirituel », devant « les œuvres de l'esprit ».
« L'idée en tant que telle » ne doit pas être à l'origine d'une quelconque mauvaise conscience, d'un abaissement, d'un renoncement de la personne qui l'examine.
« ... Au lieu de dire « je suis plus qu'esprit », tu dis tout contrit : je suis moins qu'esprit et l'esprit, l'esprit pur, celui qui n'est rien qu'esprit – je ne peux que l'imaginer – mais je ne le suis pas et comme je ne le suis pas, c'est forcément un autre qui l'est, il existe en tant qu'autre et cet autre je le nomme dieu »...
« II est dans la nature même de l'esprit pur, qui doit exister en tant qu'esprit pur, d'être transcendantal ». (12)
Il est difficile selon lui, de se défaire de notre prédisposition à déifier, à sacraliser une idée, une vérité.
L'idée et le langage « de bon sens » qui l'exprime sont des pièges.
« On ne se débarrasse pas aussi facilement du sacré que d'aucuns le prétendent de nos jours, qui ne prononcent plus ce mot inconvenant ». (13)
Stirner démasque la signification fermée, dogmatique, sacralisatrice de certains concepts que, plus ou moins consciemment nous prenons pour des vérités indiscutables.. Ainsi dit-il, « ... si je suis encore, ne serait-ce que dans un cas particulier, traité péjorativement d'égoïste, c'est que persiste la pensée d'une autre chose que je devrais servir plus que moi-même, qui devrait m'importer plus que tout, bref de quelque chose en quoi je devrais chercher mon vrai salut, d'un sacré »... (14)
Stirner stigmatise cet aveuglement, ce refuge hypocrite dans un sacré supraterrestre ou banalement terrestre.
Cet hypocrite à beau « se secouer », « se mortifier » en croyant servir un idéal plus haut que lui, vers lequel il pense « s'élever », il n'en reste pas moins, « un égoïste involontaire » qui « n'agit en fin de compte que pour son intérêt ». (15)
Outre le piège du sens commun, le « Moi » se heurte à ce qu'il a plus ou moins « intériorisé » de la culture et de la morale religieuse inculquée : le péché originel, la faute à racheter, le mépris de soi, de son « enveloppe terrestre », l'acceptation de son sort, de son impuissance, de sa déchéance, la glorification de l'humilité, de l'humiliation, de la soumission à l'Ordre établi, à la hiérarchie.
Stirner reproche à Proudhon sa timidité. Pourquoi dire non à la « transcendance », à « Dieu », et la « réincorporer » dans l'homme sous la forme de « l'immanence ». Pourquoi parler d'éternité et d'absolu de la loi morale, dit il, en citant « De la Création de l'Ordre »... « comme si le règne de la morale n'était pas la domination absolue du Sacré, une Hiérarchie » ... (16)
Ce à quoi Proudhon semble, en partie, répondre en faisant découler de cette propriété « immanente », la « connaissance du juste et de l'injuste », connaissance fruit d'une « faculté spéciale » et du jugement que la raison porte ensuite sur ses actes. « D'où il suit que la justice étant le produit de la conscience, chacun se trouve juge en dernier ressort du bien et du mal »... ( 17)
De même avant d'accepter sans nuance et de prendre à son compte, avec son poids de morale positive le concept de « Vol », Proudhon aurait pu le faire passer à l'étamine de sa critique : « ... C'est parce que le vol passe sans aucun doute pour abominable à ses yeux, que Proudhon croit avoir flétri la propriété en disant qu'elle est le vol ; certes, aux yeux des curés le vol est toujours un crime ou au moins une faute »... (18)
Par rapport au « divin » dont on prétend s'être débarrassé, la morale « inculquée » ne représente qu'un « changement de maître »...
Il importe donc de ne pas tomber dans la dépendance de la « crainte » intériorisée, de ne pas adhérer à une force extérieure, à une foi, une « croyance ». Le « respect éternisé, divinisé » est source de passivité. Il étouffe la création propre. « ...l'homme désormais ne crée plus, il apprend (par la connaissance, la recherche...), c'est-à-dire qu'il se consacre à un objet fixe, s'y plongeant sans faire retour sur lui-même. Son rapport à cet objet est celui du savoir, de l'approfondissement, du fondement etc... et non pas celui de la dissolution, de l'abolition etc... » ( 19)
En cela la domination, la « hiérarchie », n'est pas seulement la relation physique ou intellectuelle du maître à l'inférieur, et vice-versa, elle est aussi « la domination des pensées, de l'esprit »...
L'esprit critique, la « dissolution » de Stirner, est l'arme essentielle pour éviter que des pensées, des « vérités » ne s'installent indestructibles et éternelles. « ... je détruis en elles toute velléité d'indépendance et les « absorbe » avant qu'elles aient pu se « fixer », devenant « idées fixes » ou « manies » ».
Il convient, en effet de ne pas remplacer la volonté divine, la morale transcendantale par une quelconque « mission de l'homme »…
Pour Stirner, « la Bonne Éducation, celle qui consiste, dans la langue populaire à « Faire le caractère », c'est-à-dire à tenter de le détruire, est une forme d'attentat contre le « Moi » ». « ...un homme bien éduqué est un homme auquel de bons principes ont été inculqués, imprimés, entonnés, serinés et prêchés »... (20)
Proudhon écrit : « … le meilleur système d'éducation pour moi sera celui qui laissera le plus à l'initiative de l'élève : Excitez, Avertissez, Renseignez, Instruisez, mais n'Inculquez pas !... » (21)
2. INDIVIDU et INSTITUTIONS
Si « .. le christianisme par son principe, par toute sa théologie est la condamnation du Moi humain, le mépris de la personne et le viol de la conscience », il n'est pas seul à entraver l'épanouissement de l'individu. (22)
L'État, pour Proudhon, est « étranger au droit, indifférent à toute idée morale, simple instrument de force »...
« ... le progrès de la Justice est à l'inverse de toute formule tendant à dissoudre la personnalité dans la Société ou l'État... » (23)
Même objectif mortifère chez les réformateurs sociaux avides d’un pouvoir niveleur : «… distinguez nettement notre école, l'école de la liberté progressive indéfinie, d'avec les sectes socialistes, qui sous des noms divers n'aspirent au nom de la Société qu'à tuer l'individu »… (24).
Ni « organisme », ni « système ». Ce qu'il faut pour « assurer la plus grande indépendance des individus et des groupes », c'est « le pacte de liberté, son équation de personne à personne, ce qui comporte au point de vue de l'idéal, la plus grande variétés de combinaisons »...
L'individu ne peut se construire et se développer qu'en permanente confrontation, opposition avec l'État et ses agents.
Stirner remarque : « ... L' État peut-il faire que l'homme prenne conscience de lui-même ou seulement se proposer un tel but ? Peut-il vouloir que l'individu reconnaisse sa valeur et la réalise ? »… (25)
La réponse est négative. Même s'il tolère des exceptions, l'État ne peut « ... par principe accepter l'autoréalisation du moi, c'est-à-dire aussi de sa conscience de lui-même contre l'Etat »... « autoréalisation qui se dresse fatalement contre la Société »...
D'ailleurs l'État le reconnaît quelquefois. « ... La grande difficulté du temps présent est la direction et le gouvernement des esprits. C'était autrefois l'Église qui remplissait cette mission et elle n'y suffit plus maintenant. On doit attendre ce grand service de l'Université... Nous, le gouvernement, avons le devoir de la soutenir dans cette tâche. La Charte veut en effet la liberté de pensée et de conscience... » Ainsi, commente Stirner, « c'est en faveur des libertés de pensée et de conscience que le ministre réclame « la Direction et le Gouvernement des esprits » »... (26)
De la même façon, s'illusionnent, s'ils pensent ainsi servir l'individu, les réformateurs sociaux, ceux qui « … veulent édifier une Société où les hommes ne dépendront plus de la chance mais seront libres car ils ne voient en toi que ta « destinée », ta « vocation sociale » »… (27)
« ... les communistes qui proclament essence de l'homme sa libre activité ont besoin... d'un Dimanche..., d'une « élévation », d'une « édification » parallèlement à leur « travail » déspiritualisé. Quand le communiste voit en toi l'homme, le frère, Tu ne le dois qu'au coté « dominical » de sa doctrine ; son coté « hebdomadaire » ne te considère absolument pas comme un homme sans plus, mais comme un travailleur humain, un homme travailleur... Si tu étais un fainéant, il ne méconnaîtrait certes pas l'homme en toi, mais s'efforcerait de purifier cet homme paresseux de sa paresse et de t'amener à croire que le travail est ta « destinée » et la « vocation » de l'homme...
... « c'est toujours le beau rêve d'un « devoir social » : on continue de penser que la Société nous donne ce dont nous avons besoin, d'où nos obligations et notre dette globale envers elle... On en reste à vouloir servir un dispensateur suprême de tous biens... La Société, dont nous tenons tout est un nouveau maître, un nouveau fantôme, un nouvel être suprême qui nous oblige et nous engage à son service... ». (28)
C'est la même constatation apparemment résignée que fait Proudhon lorsqu'il dit :
« ... Dans la conscience de l'homme d'État… la Grande morale l'emporte sur la morale vulgaire. Pour lui les distinctions accoutumées du juste et de l'injuste... s'intervertissent dès qu'il est question de salut public, de la raison d'État. Ce qui est utile à la Société, c'est-à-dire à la hiérarchie est le vrai bien... ce qui peut lui nuire... le vrai mal… Tant mieux pour le citoyen dont le droit y est conforme, tant pis pour celui dont le droit y est contraire... La Société n'existe qu'à ce prix... Islam... Résignez vous ?... » (29)
3. Personnalité du Juste et de l'Égoïste
Se frotter aux réalités : le courage
« ... L'enfant captivé par les choses de ce monde est réaliste jusqu'à ce qu'il soit parvenu lentement derrière ces choses elles-mêmes. Le jeune homme enthousiasmé par les idées est idéaliste jusqu'à ce qu'il se hausse à l'état d'homme, de l'homme égoïste qui en use des choses et des pensées selon son bon plaisir et fait passer son intérêt personnel avant tout. Quant au vieillard enfin, il me sera suffisamment temps d'en parler quand j'en serai un »... (30)
Stirner rappelle que notre auto-affirmation, notre prise de conscience, notre première découverte de soi, a été l'effet de notre courage d'enfant à la rude découverte du monde.
Stirner décrit ce courage « Derrière l'inquiétante puissance de la baguette, la mine sévère du père... nous trouvons... notre inébranlabilité, notre intrépidité, notre contre-violence, notre prépondérance, notre invincibilité... et qu'est-ce donc que notre ruse, notre intelligence, notre courage, notre obstination sinon l'esprit… la première découverte de Soi, la première dé-divinisation du divin, c'est-à-dire de l'inquiétant, des spectres, des puissances supérieures ». (31)
C'est donc ce courage, cette obstination, qu'il va falloir affirmer, déployer au cours des tribulations de l'adolescence (découverte de la raison, d'idéaux à poursuivre) puis de l'âge adulte dans la bataille contre les « fantômes », les « idées fixes », le fanatisme (les « possédés ».
Proudhon expose : « Je ne nie pas qu'il y ait quelque utilité pour tout le monde à ce que l'individu tire de ses facultés, et rende à ses semblables, le meilleur service possible, mais je pense que la vie étant un combat, l'homme un être libre, c'est pour ce combat qu'il importe de l'armer, ce qui se fera beaucoup moins par l'esprit que par le caractère. Il faudra donc qu'un homme soit préparé pour toutes les situations et qu'il s'y montre digne et joyeux, sinon triomphant. » (32)
Et Stirner : « ... L'immense importance de l'allégresse sans pensée n'a pu être reconnue pendant la longue nuit de la pensée et de la foi... »
Montrer sa force de caractère, c'est ne pas s'arrêter à des scrupules sacralisés, c'est « savoir « couper court » aux problèmes les plus ardus, aux tâches les plus vastes », dès l'instant que « c'est toi qui te les as fixés ». (33)
La « désinvolture » est aussi une force qui consiste à « se secouer », « bondir », pousser des « hourrahs d'allégresse ». En cela il s'agit de faire fond sur soi-même pour découvrir, démasquer par sa « virtuosité » propre, le fond caché de toute cause dite sacrée mais hypocritement égoïste.
« Se Percevoir »
Ce regard sur ce qu'on peut, ce qu'on veut et sur l'issue du combat que l'on engage, on le trouve chez Stirner mais aussi chez Proudhon. Il est d'une ironique acuité.
Proudhon a consacré ce qu'on pourrait appeler une ode à l'ironie avec autant de poésie et de chaleureuse sensibilité que ce qu'il dit de l'amitié.
« ... La liberté comme la raison, n'existe et ne se manifeste que par le dédain incessant de ses propres œuvres : elle périt dès qu'elle s'adore. C'est pourquoi l'ironie fut de tout temps le caractère du génie philosophique et libéral... l'instrument irrésistible du progrès... Ironie, vraie Liberté ! C'est toi qui me délivres de l'ambition du pouvoir, de la servitude des partis, du respect de la routine, du pédantisme de la science, de l'admiration des grands personnages, des mystifications de la politique... de l'adoration de moi-même... » (34)
Stirner se gausse de la morale du « gagneur » qui n'est que la béquille du faible, l'emplâtre du « possédé », du « prisonnier » d'une croyance sacrée : « ... Je couvrirai sans doute aussi bien ma propriété de mon bouclier en tant que propriétaire des pensées, que je ne laisse de bon gré, en tant que propriétaire des choses, le premier venu y porter la main. Mais c'est avec le sourire que j'attendrai l'issue du combat, avec le sourire que je recouvrirai le cadavre de mes pensées et de ma foi, avec le sourire que battu, je triompherai. Là est précisément l'humour de la chose. Le manifester à propos de la petitesse des hommes est à la portée de tous ceux qui ont « des sentiments élevés », mais le laisser jouer avec toutes les « grandes pensées », « sentiments sublimes », « nobles enthousiasmes », et croyances sacrées, présuppose que je suis propriétaire de tout ». (35)
Force et Volonté
Proudhon, assailli par les critiques de ses amis sur son ouvrage « La Guerre et la Paix », écrit : « Soyons forts, c'est à dire cessons d'être lâches... redevenons des hommes et nous serons libres... mais nous aimons mieux balbutier le mot de liberté dans notre aplatissement que de nous relever dans notre énergie ; et nous croyons que la liberté et le droit nous reviendrons par la seule vertu de l'idée ! Quelle déchéance ! »... (36)
Quant à Stirner, il avait écrit dans « Le Faux Principe de notre Education » : « ... L'éducation pratique nous enseigne à faire notre chemin dans la vie... L'éducation « libre et personnelle » nous donne le pouvoir de faire jaillir des profondeurs du moi l'étincelle de vie... celle la prépare à être chez soi dans un monde donné, celle-ci à être chez soi dans soi-même »... Il ajoute :
« ... il ne faut pas tant inculquer le savoir que conduire l'individu à son plein épanouissement »...
« ... il faut susciter chez l'enfant l'opposition... cette force naturelle de la volonté... » « ... nous ne pouvons exprimer toute notre personnalité quand nous nous comportons en membres utiles de la Société, mais nous pouvons le faire parfaitement quand nous sommes des hommes libres, auto-créateurs, quand nous créons nous-mêmes... » (37)
On retrouve la même hostilité à un « savoir inculqué ». C'est « l'opposition » qu'il faut « susciter », cette opposition qui est « la force naturelle de la volonté »... Ainsi pourrons-nous être des « auto-créateurs », « nous créer nous-mêmes ».
S'approprier le Savoir
Dans « Le Faux Principe de notre Éducation », Stirner situe le rôle dévolu à la Connaissance :
« ... Si le Savoir donne la liberté extérieure (liberté à 1aquelle il ne faudra plus jamais renoncer), seule la Volonté peut nous donner la liberté intérieure, celle qui seule peut nous éviter de rester « esclaves » malgré toutes les libertés de conscience et d'opinion »... Et il ajoute, dans une formule ramassée : « Le Savoir doit mourir pour ressusciter en Volonté et se Recréer chaque jour en libre Personnalité ». (38)
Cette « re-création » du savoir, cette « auto-création de l’« Unique » n'est pas sans soulever de multiples obstacles et notamment dans la relation entre celui qui sait, le maître et l'élève.
Abordant ce sujet, Proudhon évoque l'idée d'un rapport de « frère aîné », d'instruction mutuelle, et souligne que l'activité dans un travail « créateur » est une forme de pédagogie pour tout le temps de l'existence.
Stirner pense que les Institutions subordonnées à l'État ou à toute autre secte ne peuvent vouloir être, à peine de se condamner,une école de volonté pour l'individu.
Henri Michaux écrit « N'apprends qu'avec réserve. Toute une vie ne suffit pas pour désapprendre ce que, naïf, soumis, tu t'es laissé mettre dans la tête – innocent – sans songer aux conséquences... » (39)
Pourtant Stirner, refusant la « mission » de l'homme, niant « l'homme vrai », soulignant la perversité du mensonge religieux ou « humaniste » sur l'imperfection fondatrice (nous sommes tous parfaits, dit-il), ne néglige rien des acquis du savoir accumulé dans l'histoire.
« … j'accepte avec reconnaissance les acquisitions de siècles d'éducation… Je ne veux rien en rejeter ni céder. Je n'ai pas vécu en vain. La connaissance, résultant de l'expérience de mon pouvoir sur ma nature et de ce que je n'ai pas à être l'esclave de mes désirs, ne doit pas être perdue pour moi ; celle de la possibilité que m'offrent de maîtriser le Monde les moyens fournis par l'éducation, a été par ailleurs trop chèrement acquise pour que je puisse l'oublier. Mais je veux plus encore... » (40)
S'affirmer sans se Figer
Ce plus, c'est ma volonté, mon pouvoir, mon énergie pour agir librement.
Contre le principe de « fixité », l'immobile, le stable, Stirner souligne la nécessité de ne pas se figer, d'être capable de « poursuivre librement des pensées libres » : « ...Une pensée ne m'est propre que lorsque je n'hésite pas à mettre à chaque instant son existence en jeu, n'ayant pas à craindre sa perte comme une perte pour moi ».
« ... La pensée n'est proprement mienne que lorsque je peux la subjuguer, tandis qu'elle ne le peut jamais, ne peut jamais me fanatiser, jamais faire de moi l'instrument de sa réalisation ». (41)
Dans ce sens, Stirner stigmatise l'esprit de « hiérarchie » si profondément intériorisé par les hommes, l'esprit de « système », carcan, « constitution absolue » de vérités indiscutables...
À l'inverse, la seule façon de s'affirmer sans se figer, c'est un enseignement « égoïste » : « ... Ce dont nous avons besoin (42) c'est d'une liberté de l'enseignement égoïste, pour chaque particularité, où je devienne perceptible et puisse me manifester sans entraves »... car « le Moi est la mesure de toute chose ». (43)
La Guerre de Tous contre Tous
Dans une société où tu ne peux disposer que de ce que la Collectivité, l'État te concède à la mesure de ton utilité pour lui, de tes services, de tes mérites, c'est-à-dire à proportion de ta soumission à ses lois, à la « pensée dominante » – celle que tu as cherché et cru choisir – « semblable en cela au chien qui flaire les gens pour trouver son maître » (44) ne crois-tu pas « qu'est déclarée la guerre de tous contre tous » (45) « N'oublions pas dit Proudhon (45 bis) qu'aucun progrès ne s'effectue sans violence et que la force est en dernier résultat l'unique moyen de manifestation de l'idée »...
Proudhon souligne que « ... ce qui rend la création possible est la même chose que ce qui rend la liberté possible : l'opposition de puissances... » (46) « Je vois partout des forces en lutte »... ajoute t-il. « La guerre est universelle et de cette guerre résulte l'équilibre »...
Bien entendu, il y a dans ce constat de Proudhon un essai d'explication historico-philosophique de la guerre que l'on ne trouve pas chez Stirner. La lutte entre des forces opposées, contradictoires, est nécessaire à l'équilibre fondateur d'une juste relation entre les hommes et réconciliateur du « droit avec l'idéal » : « Lorsque droit et idéal sont séparés... sous une apparence de paix la société est à l'état de guerre ; elle se consume de ses propres feux ». (47)
Mais il n'y a pas de raison de donner au mot guerre une signification autre que celle que l'on donne aujourd'hui à la guerre économique ou à tous ses dérivés empruntés à la stratégie militaire...
Notons aussi que s'il la pare d'un habit juridique, en faisant de la force un « droit de la force », Proudhon la rattache à une « faculté humaine ». « ...le droit de la force est le plus simple et le plus élémentaire des droits. C'est l'hommage rendu à l'homme pour sa force. Comme tout autre droit il n'existe que sous condition de réciprocité... la reconnaissance de la force supérieure n'implique nullement la négation de l'inférieure, le droit qui appartient à la première ne détruit pas celui de la seconde... » (48)
Même si pour Proudhon, « la force n'a droit que si elle est humaine, c'est-à-dire intelligente, morale et libre »..., il faut bien constater qu'elle peut aussi « se réduire à l'état brut » et dans ce cas « elle appartient à la pensée qui s'en empare et elle compte à son profit ». (49)
Ainsi en est-il, reconnaît Proudhon, tant que les « citoyens n'auront pas trouvé qu'ils ont plus à gagner par le travail que par la rente »..., qu'il n'auront pas « brisé, au nom du droit de la force, synonyme du droit au travail, la suzeraineté de l'argent... changé le rapport du travail et du capital »...
Il faut donc constater que : « La guerre anime la société ; sa pensée, son influence sont partout présentes... Elle a fait la société ce qu'elle est ». (50)
Déjà en 1850, il écrivait « ... oui, force fait droit : seulement la question est de savoir comment nous évaluerons la force. Le droit est la mesure et la comparaison des forces. La démocratie n'est autre chose que l'art d'égaliser non les droits mais les forces des citoyens… » (51)
Sans attendre que les citoyens aient changé d'opinion sur l'ordre de préséance entre le travail et le capital, ni qu'une démocratie ait « égalisé » les « forces » de ses membres, Stirner donne la priorité à la construction, à la manifestation concrète de la force, de la capacité de l'Unique… Dès qu'il le peut, 1'individu doit rompre les amarres, se construire, s'édifier, se redresser lui même, au sens plein de l'instruction (latin « Instruere »).
« Ce qu'un homme peut devenir, il le devient », dit-il, même si partout, dans l'univers, il y a « des plus ou moins doués »... même si « les têtes bornées de naissance forment sans contredit possible la plus riche catégorie d'hommes »...
Pour Stirner qui constate l'état de guerre d'une société où les « possédés », les « maniaques », les « hommes à idée fixe », les « fanatiques » font la loi, la force est une manifestation de la capacité de survie et d'action du moi.
Il écrit à propos de cette société en état de guerre et fondée sur des hiérarchies ou des transcendances : « je considère comme de véritables fous, des fous à enfermer, les hommes qui se raccrochent à quelque chose de supérieur »... (52)
Et encore : « ... de même que des écrivains noircissent des pages sur le sujet de l'État sans jamais mettre en question l'idée de l'État, que nos journaux regorgent de politique parce qu'ils ne peuvent se libérer de l'illusion que l'homme a été créé pour être un animal politique, ainsi les sujets continuent à végéter dans leur sujétion, les hommes vertueux dans leur vertu, les « libéraux » dans leur « être humain », etc... sans jamais porter le couteau tranchant de la critique dans aucune de ces idées fixes... En vérité, l'idée fixe, voila le Sacré !.. (53)
Tous les « possédés » sont acharnés dans leurs opinions, ce sont des « enthousiastes parfaits » et donc des « fanatiques ».
Vertus de l'égoïste
On pourrait en partant des observations précédentes tenter de dresser un tableau des vertus qu'une éducation libre et personnelle, jointe à des qualités propres allant au-delà du médiocre, pourrait faire s'épanouir chez l'égoïste.
S'il n'accepte pas de subir la folie des possédés, l'égoïste exerce sa force, jouit de lui même et du monde à la mesure de son propre pouvoir.
II ne quémande pas, n'accepte pas une aumône, ne mendie pas sa liberté… Il est fier, sans témérité.
Il peut renoncer par manque de moyens propres à un but qu'il s'est donné, mais dans ce renoncement circonstanciel, il ne « nie pas » sa « particularité ». Il peut « abandonner » un comportement antérieur parce qu'il ne conduit pas au but », « quitter une fausse voie », mais il ne « se soumet ni capitule ».
Il est persévérant, il ne renonce pas : il ne « respecte pas » l’« inaccessible », « l'inconcevable » ; il ne renonce pas. « ... si je trouve un jour le moyen d'aller jusqu'à toi... (la Lune)... tu ne m'effraieras pas... » ; « quant à toi, inconcevable, tu ne demeureras tel pour moi, que jusqu'à ce que, ayant acquis le pouvoir de comprendre, je puisse m'emparer de toi et te nommer mon bien propre... » ; « je ne me donne pas pour battu et ne fais qu'attendre mon heure... » (54)
L'Égoïste doit se débarrasser de « l'hypocrite » que « des milliers d'années de Culture » ont créé. Il doit se délivrer des « respects d'enfant » dont il est prisonnier, il se « borne à se reconnaître et à reconnaître » ce qu'il est ici et maintenant.
Il identifie et débusque tous les préceptes religieux ou moraux qui ont paralysé son esprit critique, qui ont tenté d'étouffer au nom d'un « fantôme », les désirs et les pensées fruits de sa volonté propre, de sa particularité.
L'Unique ne se laisse pas bercer d'illusions, berner par des promesses, des excitations fanatiques ou des chimères… » « La » liberté peut en être une, une chimère…Par contre, « Ma » liberté est « complète... lorsqu'elle est mon pouvoir; mais je cesse par là-même de n’être qu'un homme libre, pour devenir un Moi propre... » Donnée ou octroyée, la liberté est un vain mot. » « ... je ne peux avoir plus de liberté que je ne m'en procure grâce à ma particularité... » (55)
« … Que sert-il aux moutons que nul ne restreigne leur liberté de parole ?... ils ne feront jamais que bêler. Donnez à un croyant, qu'il soit musulman, juif ou chrétien, la permission de dire ce qu'il voudra. Il n'aura jamais que des niaiseries bornées à raconter... » (55bis)
L'Unique est le maître de ses passions. Il les maîtrise. Il n'est pas « possédé ». Le délire fanatique, la démesure, la folie l'entourent et il y résiste... Il reste maître de lui. « ... je ne suis mon moi propre que lorsque ni la sensualité – ni quoi que ce soit d'autre – dieu, autorités, loi, évangile, etc... ne me tiennent en leur pouvoir... »
Mais il n'est pas replié sur soi, isolé du monde. Il n'est ni passif ni solitaire. Il est volonté et action. On pourrait en trouver un type dans un des personnages raconté par Stirner : « … un de ces vagabonds intellectuels auxquels le domicile hérité de leurs pères paraît trop étroit et trop pesant pour qu'ils se satisfassent plus longtemps de son espace limité : au lieu de s'en tenir aux bornes d'une pensée modérée et de prendre pour intangible vérité ce qui procure à des millions de gens consolation et tranquillité, ils sautent par dessus les frontières de la tradition et divaguent, extravagants vagabonds, au gré de leur insolente critique et de leur passion effrénée du doute ».
Si l'on veut résumer les vertus de l'égoïste, que dire de lui sinon qu'il est :
Persévérant, sans obstination aveugle.
Conscient de ses forces.
Audacieux, curieux de l'inaccessible (exemple de la lune) et de l'inconcevable (toujours provisoire).
Franc et pourchassant l'hypocrisie, sans renoncer à la ruse.
Lucide et démasquant l'illusion.
Maître de ses pensées et de ses passions (ne pas être possédé).
Généreux, consommant sa vie pleinement.
Goûtant l'humour et la fantaisie (un de ces vagabonds extravagant, un passionné du doute), cultivant l'ironie.
Intéressé, pourchassant le désintérêt, faisant valoir son intérêt dans l'association, l'échange, l'amitié, l'amour réciproques.
Qualités du Juste
On pourrait, sans grand risque d'erreur, considérer que les vertus de l'égoïste s'appliquent également au juste proudhonien. Peut-être faudrait-il ajouter, toutefois, que le Juste s'embarque dans le combat pour la vie, avec un double handicap. D'une part, il est harnaché d'une « faculté judiciaire » dont le développement s'avère difficile. D'autre part, le Moi proudhonien se charge d'une « idée supérieure », celle du devenir social des sociétés ainsi que celle du devenir de l'humanité.
Dans ces conditions, le Juste risque d'être assez largement insatisfait notamment parce que les chances de voir se réaliser son idéal social sont très incertaines. On peut citer par exemple ce que dit Proudhon : « ... en résumé, il est impossible, contradictoire, que dans le système actuel des sociétés le prolétariat arrive au bien-être par l'éducation, ni à l'éducation par le bien-être... car sans compter que le prolétaire, l'homme machine est aussi incapable de supporter l'aisance que l'instruction... la culture de son intelligence, alors même qu'il la pourrait recevoir lui serait inutile »… (56)
Mais cela n'ôte rien aux concordances fondamentales entre le juste et l'égoïste. Tous deux ont une très haute conscience de leur qualité d' « individu-homme »… Même si les fondements intellectuels sont différents, les pratiques du juste et de l'égoïste sont semblables : l'échange réciproque, l'apprentissage au combat pour la vie, l'attrait commun pour s'associer tant pour jouir d'eux-mêmes (l'amitié, l'amour) que par intérêt bien compris…
La même fraîcheur baigne le discours de Stirner sur les premiers pas de l'enfant dans la réalité du monde, et celui de Proudhon : « ... lorsque j'étais enfant… j’aimais me rouler dans les hautes herbes que j'aurais voulu brouter comme mes vaches... j'aimais « … lire et rouler nu dans la rosée… » « ...À peine si je distinguais alors moi du non-moi. Moi, c'était tout ce que je pouvais toucher de la main, atteindre du regard, et qui m'était bon à quelque chose ; non-moi était tout ce qui pouvait nuire ou résister à moi ; l'idée de ma personnalité se confondait dans ma tête avec celle de mon bien-être, et je n'avais garde d'aller chercher là-dessous la substance inétendue et immatérielle... » (56b)
Et il décrit la joie simple, « ... la philosophie de tous ceux qui, retenus par l'âge l'éducation, la langue dans la vie sensitive ne sont pas arrivés à l'abstraction et à l'idéal, deux choses que, selon moi, il est bon d'ajourner le plus possible... »
L'Unique n'est pas resté enfant, il a découvert, adolescent, l'abstrait et l'idéal, mais il ne les a pas placés, pas plus que le « juste », au-dessus du moi, les « absorbant » au contraire pour affirmer, épanouir, « élever » les particularités de son Moi…
L'Unique ne réserve pas le « bien-être », la « jouissance » à l'enfance ; le fait de découvrir ce qu'il y a « derrière les choses » ne le conduit pas à reculer devant cette découverte ni à la considérer comme « supérieure » ou « meilleure »...
Il développe simplement son esprit critique, son savoir sur le monde qui l'entoure, sur lui-même. Il prend conscience de l'intérêt que présente pour lui la compréhension du rapport à ce qui est différent de lui et qui peut ainsi être plus aisément appréhendé ou rejeté, pour son bien-être.
Le « Juste », quant à lui, du fait de la « faculté justicière » qui est en lui et qu'il se doit de développer, doit rechercher l'idéal non seulement pour lui mais pour les autres. Il doit poursuivre, pour l'espèce une voie conduisant à son amélioration.
Lourde tâche, puisque cette faculté justicière naissante, à peine consciente, faite de « religiosité... forme première, idéale, objective , symbolique » de la faculté adulte devra en se développant faire « ...diminuer, s'atrophier » sa forme première qui est religion. (57).
Cette faculté est « spontanée... », elle atteste d'un sentiment supérieur... ; elle est « souveraine » et « pour cela même lente à se former ». (58). Il faut, puisque « ... à ce jour elle est impuissante »... ne pas « ... en négliger la culture »... ne pas la prendre « ... pour une fantaisie de notre imagination »... « II faut encore que nous soyons assurés de son excellence »... « qu'elle nous apparaisse comme le principe, le moyen et la fin de notre destinée »... (59)
L'éducation, la formation de cette « faculté judiciaire » trouve un obstacle de taille dans la société d'injustice dans laquelle Proudhon vit et où nous vivons encore... On sent sa gêne dans ses pétitions de principe – il faut que... – ou dans ses qualificatifs hiérarchisants – excellence, souveraine, supérieure, etc...
Au surplus, s'il écrit que « ... la destinée sociale, le mot de l'énigme humaine se trouve dans l'expression Éducation et Progrès »... la question se pose « ...de savoir si l'intelligence de l'homme et sa liberté, ses facultés d'appréciation et de choix »… « …sa puissance d'action indifféremment applicable au bien et au mal »… « …toutes facultés susceptibles de perfectibilité indéfinie » ...trouveront leur voie. (60)
Nous avons vu plus haut qu'il avait répondu à la question.
Il importe donc, selon lui, de résoudre d'abord les contradictions de l'Économie sociale, ou plutôt de les balancer, pour que « ... le travail, réunissant analyse et synthèse, théorie et expérience en une action continue, par conséquent résumant la réalité et l'idée... se représente comme mode universel d'enseignement... » (61)
Il insiste sur la préalable réforme sociale : « ... le travail étant l'éducation même, l'un l'attire durant toute la vie et l'enseignement devant être simultané, sans commencement ni fin, le commencement étant partout et la fin nulle part, il y a nécessité que les travailleurs soient égaux… » (62).
Proudhon n'est pas dupe quant aux effets de l'enseignement dans la formation du « juste ». « … ne nous leurrons pas sur le nouvel écolage... jusqu'à ce que les races prolétaires généralement viciées dans l'âme et le corps par la misère, l'engourdissement des passions nobles et la somnolence religieuse, se soient renouvelées, n'attendons pas que chez le grand nombre, l'intelligence prenne son équilibre et s'élève au niveau moral… » (63)
Ce n'est pas pour autant qu'il renonce à sa « mission ». « ... seriez-vous de ces gens pour qui l'existence de l'homme n'a qu'une fin ; produire, acquérir et jouir ? Ni l'un ni l'autre... Être homme, nous élever au-dessus des fatalités d'ici-bas... réaliser enfin sur terre le règne de l'esprit, voilà notre fin... je ne parle pas seulement au point de vue de notre perfectionnement individuel ; j'ai surtout dans l'esprit l'amélioration de toute notre espèce... il faut aider cette humanité vicieuse, méchante, comme vous faites pour vos propres enfants... vous vous devez à la réforme de vos semblables… » (64)
En guise de conclusion
Pour se lancer dans le combat par la plume et par l'action politique, Proudhon n'attend pas, bien entendu, que se réalise ce qui pour lui est nécessaire à la naissance du Juste c'est-à-dire la « régénération des esprits », le « renouvellement des générations », une « révolution égalisatrice ».
Pour se faire valoir soi-même et mettre en œuvre toutes ses forces, Stirner n'a pas besoin d'une telle vision idéale de la destinée de l'humanité, du sort des sociétés et de l'espèce. Au contraire, il pense que ce qui a été stimulant peut-être pour Proudhon, risque de fonctionner pour chacun comme un frein, un détournement de la volonté, du Moi, une disparition de ce qui fait sa « personnalité », sa jouissance et de sa capacité d'action. Ceci explique en partie sa farouche opposition aux abstractions, aux concepts, aux idées dont la sacralisation risque de transformer l'Unique en un possédé ou un fanatique.
Ne peut-on pas dire à travers l'histoire de sa vie, que « l'intérêt » qui a conduit Proudhon est un intérêt « unique », « égoïste », même s'il s’en défend et qu'il ne renonce pas à l'idée sacrée d'un intérêt qui serait plus élevé que le sien propre.
Quant à Stirner, son « Unique » est prêt à mener toutes les batailles nécessaires « pour libérer le monde de maintes servitudes », mais seulement à condition de ne pas perdre de vue que ce combat de libération est seulement fondé sur l'idée que ce monde « devienne la propriété » de l'égoïste. (65)
De même est-il prêt à établir des conventions, des associations, des contrats ou l'équivalence et la réciprocité des intérêts soient garantis dans l'échange : « je te traiterai comme tu me traiteras »... « Je ne ferai rien pour rien » (66)
Le Juste et l'Égoïste se ressemblent. L'Unique de Stirner, l'individu, le « Moi absolu » de Proudhon sont les piliers de leurs échafaudages conceptuels, tous deux sont aussi des « visées », plus que des réalités fixes.
L'un voudrait faciliter la tâche de l'individu en lui créant une structure, une société, un cadre de vie mieux adapté à l'épanouissement de ses aptitudes et de son bien-être. Pour ce faire Proudhon n'aura de cesse de se battre par le journal, le pamphlet, l'essai philosophique, l'appel, la proclamation, la profession de foi, de secouer les esprits, tant ceux du peuple (au moins de son élite) que des pouvoirs en place. Son besoin de convaincre n'a eu aucun répit, nonobstant la pauvreté (même digne), la prison ou les rebuffades de ses propres amis. On ne peut pourtant pas dire qu'il a été « possédé » par cette passion de la Justice au point de s'en oublier lui-même, de se « désintéresser » de son moi, de ne pas en permanence remettre sur le chantier ses propres idées, les bousculer, les peser à l'aune du doute et de la contradiction. Ainsi en a-t-il été en particulier, en ce qui touche à l'éducation de l'individu, aux exigences d'une démopédie.
Stirner, lui, ne s'illusionne pas sur les principes qui peuvent gouverner les sociétés. Parmi ces principes, le « principe de notre éducation » sera en pratique toujours « faux » pour l'individu. Sinon faux, en tout cas, contradictoire, antinomique de ceux qui pourraient conduire à l’épanouissement du « moi ». Au contraire, ce sont des principes de fixité, de généralisation, de normalisation et de hiérarchie même atténuée, qui règlent le fonctionnement des sociétés. Autrement dit tout pouvoir constitué, installé quel que soit le « libéralisme » dont il se fera le chantre, ne pourra que renier, sinon détruire l'esprit de contestation, d'opposition, de révolte qui est la condition première de la naissance et du développement de la personnalité, de la volonté propre, de l'action individuelle.
Mais tous les deux, Proudhon et Stirner, reconnaissent que l'affrontement, le choc, la « guerre », le combat qui résultera de la confrontation des intérêts est non seulement inévitable, mais nécessaire.
Il ne s'agit donc pas d'organiser pour la multitude, restée vicieuse (Proudhon) ou passive, telle la communauté du troupeau, une prison égalitaire, ni de convaincre les forts de renoncer à leur force, ni de conduire les faibles, par l'éducation notamment, à les remplacer.
Ce que je veux, dit Proudhon, c'est faire disparaître le prolétariat pour lequel je me bats sans illusion sur sa capacité, même si l'organisation sociale que j'imagine, ma démocratie anarchiste, mutualiste, fédéraliste peut se confondre avec la démopédie, l'éducation du peuple, et permettre de le « renouveler » à long terme. Sans exclure, ajoute-t-il, un « raccroc » révolutionnaire.
Pour Stirner, le « raccroc » révolutionnaire, la prise du pouvoir par un nouveau maître ne peut avoir que les mêmes conséquences étouffantes, pesantes, statiques, mortifères pour l'individu.
La conséquence n'est pas la passivité ou le renoncement à l'action individuelle ou collective. Au contraire, le stimulant du « vouloir » et de l'« agir » n'est que dans la conscience que j'ai de ma force et de mon pouvoir, la maîtrise que j'ai des idées que j'ai subjuguées avant qu'elles ne m'animent, la connaissance des moyens de développer moi-même cette force et cette capacité, enfin de l'« intérêt » que j'y trouve.
Cette autoformation, cette autocréation du moi est permanente.
À mon goût, à mon plaisir, je consomme le savoir pour l'utiliser en volonté, en force et en action. Je l'« épouse » dit Montaigne.
… « Il n'y a tel que d'allécher l'appétit et l'affection ; autrement on ne fait que des ânes chargés de livres. On leur donne, à coups de fouet en garde leur pochette pleine de science, laquelle, pour bien faire, il ne faut pas seulement loger chez soi, il la faut épouser »… (67)
Le parcours éducatif n'est pas ni pour Stirner, ni pour Proudhon, limité à l'école. Le travail, la vie de chacun sont sources de savoir et d'apprentissage, de volonté et d'action. « À l'apprentissage du bien juger, du bien parler, disait Montaigne, tout ce qui se présente à nos yeux sert de livre suffisant ». (68)
On ne peut pourtant pas faire le bonheur (l'éducation) des gens sans eux, dirait Proudhon, pour s'en désespérer souvent. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif ajouterait Stirner.
Proudhon propose au peuple (ou à son élite) (voir le livre de La Capacité des classes ouvrières), le remède qui devrait lui permettre, démopédie aidant, de trouver le bonheur.
Stirner tente d'allécher le « Moi » indescriptible, ineffable, inexprimable et pourtant particulier, égoïste, unique et personnel, par son chant :
Pourquoi j'écris, dit l'Unique ? « Je vois les hommes terrorisés par l'essaim de spectres de la plus sombre superstition. Si je fais au mieux de mes forces tomber un peu de lumière du jour, sur ces nocturnes esprits, croyez-vous que ce soit l'amour que j'ai pour vous qui m'y pousse ? écrirai-je par amour pour les hommes ? Non. J'écris parce que je veux mettre au monde mes pensées et leur y donner vie et si je prévoyais qu'elles vous feraient perdre votre repos et votre paix... je ne les en sèmerais pas moins.
Faites-en ce que vous voulez, c'est votre affaire. Mais non seulement ce n'est pas par amour pour vous, mais pas même par amour de la vérité que je dis ce que je pense, non :
« Je chante comme chante l'oiseau
Qui peuple les branchages
Le chant qui sort de sa gorge
Lui est suffisante récompense.
Je chante parce que je suis chanteur.
Et je me sers de vous parce que j'ai besoin d'oreilles pour m'écouter. » (69)
Paris, novembre 1994
Jacques Bouché Mulet
Notes et Références des Ouvrages cités
note 1 Le monde diplomatique, octobre 1994.
note 2 De La Justice dans la Révolution et dans l'Église de P.J. Proudhon, Fayard, Corpus, Paris, 1988, p. 408.
note 3 Le Monde, 12.7.1994.
note 4 Cinq mémoires sur l'instruction publique de Condorcet. Édition G.F. Flammarion, Paris, 1994, p. 211.
note 5 Cinq mémoires, Op. cité, p. 333.
note 6 L'Unique et sa Propriété et autres écrites de Max Stirner, L'Âge d'homme, Lausanne, 1972, p. 29.
note 6bis :Ce « personnalisme » est l’antithèse du personnalisme chrétien de Mounier.
note 7 L'Unique et sa Propriété et autres écrits de Max Stirner, L'Âge d'homme, Lausanne, Op. cit., p. 43.
note 8 De La Justice ..., Op. cité, p. 234.
note 9 L'Unique et..., Op. cité, p. 29.
note 10 De La Justice, Op. cité, p. 1311.
note 11 De La Justice, Op. cité, p. 1161.
note 12 L'Unique et..., Op. cité, p. 105.
note 13 L'Unique et..., Op. cité, p. 109.
note 14 L'Unique et..., Op. cité, p. 109.
note 15 L'Unique et..., Op. cité, p. 109.
note 16 L'Unique et..., Op. cité, p. 119.
note 17 De La Justice, Op. cité, p. 181.
note 18 L'Unique et..., Op. cité, p. 143.
note 19 L'Unique et..., Op. cité, p. 139.
note 20 L'Unique et…, Op. cité, p. 146.
note 21 Carnets de P.J. Proudhon, Edition Marcel Rivière, Paris, Vol. 3, p. 45.
note 22 De La Justice, Op. cité, p. 264.
note 23 De La Justice, Op. cité, p. 270.
note 24 Carnets de, Op. cité, Vol. 3, p. 236.
note 25 L'Unique et..., Op. cité, p. 312.
note 26 L'Unique et…, Op. cité, p. 377.
note 27 L'Unique et…, Op. cité, p. 180.
note 28 L'Unique et…, Op. cité, p. 181.
note 29 De La Justice, Op. cité, p. 596.
note 30 L'Unique et…, Op. cité, p. 90.
note 31 L'Unique et…, Op. cité, p. 86.
note 32 De La Justice, Op. cité, p. 367.
note 33 L'Unique et…, Op. cité, p. 20.
note 34 Les Confessions d'un Révolutionnaire de Proudhon, Garnier, Paris, 1851, 3e édition, p. 361.
note 35 L'Unique et…, Op. cité, p. 390.
note 36 Correspondance de P.J. Proudhon, A. Lacroix, Paris, 1875, Tome 11, p. 141.
note 37 L'Unique et…, Op. cité, p. 43.
note 39 Les Temps Modernes, n° 499, avril 1987, p. 123.
Henri Michaux, Poteaux d'angle, Gallimard, Paris, 1981.
note 40 L'Unique et…, Op. cité, p. 367.
note 41 L'Unique et…, Op. cité, p. 371.
note 42 L'Unique et…, Op. cité, p. 377.
note 43 L'Unique et..., Op. cité, p. 384.
note 44 L'Unique et..., Op. cité, p. 390.
note 45 L'Unique et..., Op. cité, p. 299.
note 45b De la création de l'Ordre dans l'Humanité de Proudhon, Marcel Rivière, Paris, 1927, p. 411.
note 46 De la Justice, Op. cité, p. 1458.
note 47 De la Justice, Op. cité, p. 1601.
note 48 La Guerre et la Paix de P.J. Proudhon, A. Lacroix, Paris, Bruxelles, 1969, p 229.
note 49 La Guerre et la Paix, Op. cité, p. 234.
note 50 Carnets, Op. cité, Vol. 4, p. 69.
note 51 Carnets, Op. cité, Vol. 4, p. 69.
note 52 L'Unique et..., Op. cité, p. 115.
note 53 L'Unique et…, Op. cité, p. 116.
note 54 L'Unique et..., Op. cité, p. 218.
note 55 L'Unique et…, Op. cité, p. 219.
note 55b L'Unique et…, Op. cité, p. 219.
note 56 Les Contradictions économiques de P.J. Proudhon, F.A., Groupe Fresnes Antony, 1983, Tome 1, p. 132.
note 56b De La Justice, Op. cité, p. 891.
note 57 De La Justice, Op. cité, p. 1379.
note 58 De La Justice, Op. cité, p. 286.
note 59 De La Justice, Op. cité, p. 165.
note 60 Les Contradictions Économiques, Op. cité, Tome 2, p. 29.
note 61 Les Contradictions Économiques, Op. cité, Tome 1, p. 140.
note 62 Carnets, Op. cité, Vol. 1, p. 211.
note 63 De La Création de l'Ordre, Op. cité, p. 410.
note 64 Correspondance, Op. cité, Tome 13, p. 217.
note 65 L'Unique et..., Op. cité, p. 342.
note 66 L'Unique et..., Op. cité, p. 346.
note 67 Montaigne, Les Essais, Garnier frères, Paris, 1958, livre I, p. 192.
note 68 Les Essais, Op. cité, Livre 1, p. 163.
note 69 L'Unique et..., Op. cité, pp. 333-334.
vendredi 4 avril 2008
Georges Orwell à propos du sport
L'esprit sportif
Maintenant que l'équipe de football du Dynamo est rentrée dans son pays, il est enfin possible de déclarer publiquement ce que beaucoup de gens raisonnables déclaraient en privé avant même son arrivée (1).
A savoir que le sport est une source inépuisable d'animosité et que si une telle visite avait eu un effet quelconque sur les relations anglo-soviétiques, ce ne pouvait être que de les rendre un peu plus mauvaises.
La presse elle-même n'a pu dissimuler le fait qu'au moins deux des quatre matchs disputés avaient suscité beaucoup d'animosité. Au cours du match contre Arsenal, d'après ce que m'a dit un spectateur, deux joueurs, un Britannique et un Russe, en sont venus aux mains et la foule a hué l'arbitre. On m'a également rapporté que le match de Glasgow n'avait été, du
début à la fin qu'une mêlée. Et il y a eu aussi cette controverse typique de notre époque de nationalisme, sur la composition de l'équipe d'Arsenal. Était-ce vraiment une équipe
nationale comme l'affirmaient les Russes, ou simplement un club de championnat, comme le soutenaient les Britanniques ? Et est-il vrai que l'équipe du Dynamo a brusquement interrompu sa tournée pour éviter de rencontrer une véritable formation nationale ? Comme d'habitude, chacun répond à ces questions en fonction de ses préférences politiques. Il y a cependant des exceptions. J'ai remarqué avec intérêt, comme une parfaite illustration des passions malsaines suscitées par le football, que le correspondant sportif du russophile News Chronicle avait adopté une ligne antirusse et soutenu qu'Arsenal n'était pas une formation nationale. I1 est certain que cette controverse se prolongera des années durant dans les notes en bas de pages des livres d'histoire. En attendant, le résultat de la tournée du Dynamo, si l’on peut parler de résultat, aura été de créer de part et d'autre un regain d'animosité.
Et comment pouvait-il en être autrement ? Je suis toujours stupéfait d'entendre des gens déclarer que le sport favorise l'amitié entre les peuples, et que si seulement les gens ordinaires du monde entier pouvaient se rencontrer sur les terrains de football ou du cricket, ils perdraient toute envie de s'affronter sur les champs de batailIe. Même si plusieurs exemples concrets (tels que les jeux olympiques de 1936) ne démontraient pas que les rencontres sportives internationales sont l'occasion d'orgies de haine, cette conclusion pourrait être aisément déduite de quelques principes généraux.
Presque tous les sports pratiqués à notre époque sont des sports de compétition. On joue pour gagner, et le jeu n'a guère de sens si l'on ne fait pas tout son possible pour l'emporter. Sur la pelouse du village, où l'on forme les équipes et où aucun sentiment de patriotisme local n'entre en jeu, il est possible de jouer simplement pour s'amuser et prendre de l'exercice : mais dès que le prestige est en jeu, dès qu'on commence à craindre de se couvrir de honte soi-même, son équipe, et tout ce qu'elle représente si l'on est perdant, l'agressivité la plus primitive prend le dessus. Quiconque a participé ne serait-ce qu'à un match de football à l'école le sait bien. Au niveau international le sport est ouvertement un simulacre de guerre. Cependant ce qui est très révélateur, ce n'est pas tant le comportement des joueurs que celui des spectateurs ; et, derrière ceux-ci, des peuples qui se mettent en furie à l'occasion de ces absurdes affrontements et croient sérieusement - du moins l'espace d’un moment - que courir, sauter et taper dans un ballon sont des activités où s'illustrent les vertus nationales.
Même un jeu exigeant peu d'efforts comme le cricket, qui demande plus d'habileté que de force, peut engendrer une grande hostilité, comme on l'a vu à l'occasion de la polémique sur le body-line bowling (2). et sur le jeu brutal de l'équipe d'Australie lors de sa tournée en Angleterre, en 1921. Mais c'est bien pire encore lorsqu'il s'agit de football : dans ce sport, chacun prend des coups et chaque nation possède un style de jeu qui lui est propre et qui parait toujours déloyal aux étrangers. Le pire de tous les sports est la boxe : un combat entre un boxeur blanc et son adversaire noir devant un public mixte est un des spectacle les plus répugnants qui soient au monde. Mais le public de matchs de boxe est toujours répugnant, et le comportement de femmes, en particulier, est tel qu'à ma connaissance l'armée ne leur permet pas d'assister aux rencontres qu'elle organise. En tout cas, il y a deux ou trois ans, à l'occasion d'un tournoi de boxe auquel participaient la Home Guard et l'armée régulière on m'avait posté à la porte de la salle avec la consigne de ne pas laisser entrer les femmes.
En Angleterre, l'obsession du sport fait des ravages, mais des passions plus féroces encore se déchaînent dans des pays plus jeunes où le sport et le nationalisme sont eux-mêmes des phénomènes récents. Dans des pays comme l'Inde ou la Birmanie de solides cordons de police doivent être mis en place, lors des matchs de football, pour empêcher la foule d'envahir le terrain. En Birmanie, j'ai vu les supporters d'une des équipes déborder la police et mettre le gardien de but de l'équipe adverse hors de combat à un moment critique. Le premier grand match de football disputé en Espagne il y a une quinzaine d'années a été l'occasion d'une émeute impossible à maitriser. Dès lors que l'on suscite un violent sentiment de rivalité, l'idée même de jouer selon les règles devient caduque. Les gens veulent voir un des adversaires
porté en triomphe et l'autre humilié, et ils oublient qu'une victoire obtenue en trichant ou parce que la foule est intervenue n'a aucun sens. Même lorsque les spectateurs n'interviennent pas physiquement, ils tentent au moins d'influencer le jeu en acclamant leur camp et en déstabilisant les joueurs adverses par des huées et des insultes. A un certain niveau, le sport n'a plus rien à voir avec le fair-play. Il met en jeu la haine, la jalousie, la forfanterie, le mépris de toutes les règles et le plaisir sadique que procure le spectacle de la violence : en d'autres termes, ce n'est plus qu'une guerre sans coups de feu.
Au lieu de disserter sur la rivalité saine et loyale des terrains de football et sur la contribution remarquable des Jeux olympiques à l'amitié entre les peuples, il faudrait plutôt se demander comment et pourquoi ce culte moderne du sport est apparu. La plupart des sports que nous pratiquons aujourd'hui sont d'origine ancienne, mais il ne semble pas que le sport ait été pris très au sérieux entre l'époque romaine et le XIX siècle. Même dans les public school britanniques, le culte du sport ne s'est implanté qu'a la fin du siècle dernier. Le Dr Arnold, généralement considéré comme le fondateur de la public school moderne, tenait le sport pour une perte de temps pure et simple' Par la suite, le sport est devenu, notamment en Angleterre et aux États-Unis, une activité drainant d'importants capitaux, pouvant attirer des foules immenses et éveiller des passions brutales, et le virus s'est propagé d'un pays à l'autre. Ce sont les sports les plus violemment combatifs, le football et la boxe, qui se sont le plus largement répandus. Il ne fait aucun doute que ce phénomène est lié à la montée du nationalisme - c'est-à-dire à cette folie moderne qui consiste à s'identifier à de vastes entités de pouvoir et à considérer toutes choses en termes de prestige compétitif. En outre, le sport organisé a plus de chances de prospérer dans les communautés urbaines où l'individu moyen mène une existence sédentaire, ou du moins confinée, et a peu d'occasions de s'accomplir dans son activité. Dans une communauté rurale, un garçon ou un jeune homme dépense son surplus d'énergie en marchant, en nageant, en lançant des boules de neige, en grimpant aux arbres, en montant à cheval et en pratiquant des sports où c'est envers les animaux qu'on se montre cruel, tels que la pêche, les combats de coqs et la chasse des rats au furet. Dans une grande ville, il faut participer à des activités de groupe si l'on recherche un exutoire à sa force physique ou à ses instincts sadiques. L'importance qu'on attache au sport à Londres et à New York évoque celle qu'on lui accordait à Rome et à Byzance, au Moyen Age en revanche, sa pratique, qui s'accompagnait sans doute d'une grande brutalité physique, n'avait rien à voir avec la politique et ne déclenchait pas de haines collectives.
Si l'on souhaitait enrichir le vaste fonds d'animosité qui existe aujourd'hui dans le monde, on pourrait difficilement faire mieux que d'orgarniser une série de matchs de football entre juifs et Arabes, Allemands et Tchèques, Indiens et Britanniques, Russes et Polonais, Italiens et Yougoslaves, en réunissant chaque fois un public de cent mille spectateurs, composé de supporters des deux camps. Bien entendu, je ne veux pas dire par là que le sport soit l'une des causes principales des rivalités internationales ; je pense que le sport à grande échelle n'est lui-même qu'un effet parmi d'autres des causes qui ont engendré le nationalisme. Cependant il est certain qu'on n'arrange rien en envoyant une équipe de onze hommes, étiquetés comme champions nationaux, combattre une équipe rivale, et en accréditant l'idée que la nation vaincue, quelle qu'elle soit, « perdra la face ».
J'espère donc que nous ne donnerons pas suite à cette visite du Dynamo et que nous n'enverrons pas d'équipe britannique en URSS. Si l'on ne peut faire autrement, envoyons une équipe de second ordre qui ait toutes les chances d'être battue et qui ne puisse prétendre représenter toute la Grande-Bretagne. Il y a déjà bien assez de causes réelles de conflits sans qu'il soit nécessaire d'en créer de nouvelles en encourageant des jeunes gens à se flanquer des coups de pied dans les tibias sous les clameurs de spectateurs en furie.
La Tribune, 14 décembre 1945
.(1)-Le Dynamo de Moscou, équipe de football russe, a effectué en 1945 une tournée en Grande-Bretagne et rencontré les principaux clubs de football britanniques)
(2)-Pratique (aujourd'hui interdite) consistant à lancer la balle d'une manière dangereuse pour le gardien de guichet. ( N.D.T.)
vendredi 21 mars 2008
Dignité et Commerce (Elisée Reclus)
Elysée Reclus s’exprime ainsi dans son ouvrage « L’Homme et la Terre » tome 6 pages 360 et suivantes :
… l’évolution du commerce depuis les premiers ages nous montre de singuliers contrastes. Il commence par être honni : ce fut une honte de trafiquer, et maintenant c’est la gloire par excellence….
… le principe du commerce étant par sa nature même, égoïste,personnel, insoucieux de tout intérêt étranger,…il en résulte que, de nos jours encore, l’opinion publique et les lois officielles respectent le malheureux qui cherche dans le crime, dans l’avilissement systématique d’autrui, les éléments de sa fortune…
… c’est principalement quand il s’agit de races dites « inférieures » que le commerce se gène peu pour procéder à de fructueuses tueries….
…Non seulement le commerce, dans la pratique ordinaire, est mensonge et fraude, mais aussi, par l’ignoble réclame, le commerce est inutilité, obsession et laideur….
… Actuellement, dans chaque pays, le chiffre des transactions commerciales est pris comme étalon de la prospérité. Le point de vue contraire serait plus logique : mieux le sol est utilisé par les habitants, moins devient la necessité de faire voyager les denrées….
…Au lieu de considérer le commerce comme un fétiche, il y a lieu, pour chaque groupe humain, d’étudier quelle serait la meilleure application des forces naturelles dont il dispose et de sa propre activité, puis de les répartir avec sagacité entre l’agriculture, l’industrie et le commerce…
dimanche 27 janvier 2008
ACTUEL MARX
LA MORALE DE KARL MARX
Guerre de 1870 :
Chargé par l’Association Internationale des Travailleurs de rédiger et de diffuser un Manifeste contre la Guerre , destiné aux classes ouvrières de France, d’Allemagne, d’Angleterre et des Etats Unis,
Marx, le 20 juillet 1870 écrit à Engels (1):
« ..Je t’envoie « Le Réveil » ; tu y verras l’article du vieux Delescluse ; c’est du plus pur chauvinisme. La France est le seul pays de l’Idée….. ( c’est à dire de l’idée qu’elle se fait d’elle même…) . Les français ont besoin d’être rossés. Si les Prussiens sont victorieux, la centralisation du pouvoir de l’Etat sera utile à la centralisation de la classe ouvrière allemande. La prépondérance allemande, en outre, transportera le centre de gravité du mouvement ouvrier européen de France en Allemagne.. »
Marx ajoute :
« ..La prépondérance, sur le théâtre du Monde du prolétariat allemand sur le prolétariat français serait en même temps la prépondérance de notre théorie sur celle de Proudhon. »
Le « réalisme » des deux compères s’accorde bien , la fin justifiant les moyens, au souhait qu’ils font de la victoire de Bismarck. Engels réplique à Marx le 31 juillet (2) :
« Ma confiance dans la force militaire croit chaque jour. C’est nous qui avons gagné la première bataille sérieuse…il serait absurde de faire de l’ anti- Bismarckisme notre seul principe directeur. Bismarck, en ce moment, comme en 1866, travaille pour nous, à sa façon… »
Auparavant, le 27 juillet 1869, (3) Marx, craignant que Bakounine ne le supplante dans la direction du Mouvement ouvrier international, écrit à Engels :
« Ce russe, cela est clair, veut devenir le dictateur du Mouvement ouvrier européen. Qu’il prenne garde à lui. Sinon, il sera officiellement excommunié. »
Et Engels lui répond : « Si ce maudit russe cherche réellement à se placer, il est grand temps de le mettre hors d’état de nuire. »
PROUDHON ET MARX
Proudhon était mort cinq années plus tôt, en 1865. Mais ses idées et sa morale (il l’appelait sa Justice) inspiraient l’idéal et l’action du mouvement ouvrier , en France et au delà. Marx ne pouvait le supporter. Vingt années plis tôt, Marx avait tenté de circonvenir Proudhon en lui proposant d’être « son » correspondant français dans l’organisation internationale des travailleurs dont il se considérait comme le chef. Dans un post-scriptum, Marx mettait déjà en lumière sa morale. .En concurrence avec un groupe de penseurs allemands
réfugiés à Paris, il n’hésitait pas à faire dans la délation .
Il écrit (4): :
« Je vous dénonce ici Monsieur Grun à Paris. Cet homme n’est qu’un chevalier d’industrie littéraire, une espèce de charlatan qui voudrait faire le commerce d’idées modernes. Il tache de cacher son ignorance sous des phrases pompeuses et arrogantes mais il n’est parvenu qu’à se rendre ridicule par son galimatias . De plus cet homme est dangereux ; Il abuse de la connaissance qu’il a établie avec des auteurs de renom grâce à son impertinence, pour s’en faire un piédestal et les compromettre ainsi vis à vis du public allemand. Dans son livre sur les socialistes français, il ose s’appeler le professeur de Proudhon et prétend lui avoir dévoilé les axiomes importants de la science allemande, et blague sur ses écrits. Gardez vous de ce parasite. Peut être vous parlerais je plus tard de cet individu. ».
La réponse de Proudhon sur ce point, devant le comportement de dénonciateur calomnieux de Marx, est pleine d’ironie doucereuse sous laquelle se cache une sévère leçon de morale.
Il écrit : (5)
« je regrette sincèrement les petites divisions, qui, à ce qu’il paraît existent déjà dans le socialisme allemand, et dont vos plaintes contre Monsieur Grun m’offrent la preuve. Je crains bien que vous ayez vu cet écrivain sous un jour faux. J’en appelle, mon cher monsieur Marx, à votre sens rassis……….Ce que je sais et que j’estime…, c’est que je dois à Monsieur Grun ainsi qu’à mon ami Ewerbeck la connaissance que j’ai de vos écrits, mon cher monsieur Marx… Enfin Grunb et Ewerbeck travaillent à entretenir le feu sacré chez les allemands qui résident à Paris, et la déférence qu’ont pour ces Messieurs, les ouvriers qui les consultent me semble un sur garant de la droiture de leurs intentions. Je vous verrais, avec plaisir, mon cher monsieur Marx, revenir d’un jugement produit par un instant d’irritation ; car vous étiez en colère lorsque vous m’avez écrit.
Grun m’a témoigné le désir de traduire mon livre actuel ; j’ai compris que cette traduction, précédant tout autre, lui procurerait quelque secours ; je vous serais donc obligé, ainsi qu’à vos amis, non pas pour moi mais pour lui, de lui prêter assistance dans cette occasion, en contribuant à la vente d’un écrit qui pourrait sans doute, avec votre secours, lui donner plus de profit qu’à moi. Si vous vouliez me donner l’assurance de votre concours, mon cher monsieur Marx, j’enverrais incessamment mes épreuves à monsieur Grun, et je crois, nonobstant vos griefs personnels, dont je ne veux pas me constituer le juge, que cette conduite nous ferait honneur à tous…. »
Mais avant de donner cette leçon de morale à Marx, Proudhon avait souligné l’outrecuidance qu’il y avait de la part de Marx à fixer, sous son contrôle, les éléments d’une « Economie socialiste » encore balbutiante. Il écrit en réponse à Marx, dans cette même lettre du 17 mai 1846 :
« …D’abord, quoique mes idées en fait d’organisation et de réalisation soient en ce moment, tout à fait arrêtées, au moins pour ce qui regarde les principes, je crois qu’il est de mon devoir, qu’il est du devoir de tout socialiste, de conserver pour quelque temps encore la forme antique où dubitative. En un mot, je fais profession, avec le public d’un anti- dogmatisme économique presque absolu.. Cherchons ensemble, si vous voulez, les lois de la Société, le mode dont ces lois se réalisent, le progrès suivant lequel nous parvenons à les découvrir ; mais, pour Dieu, après avoir démoli tous les dogmatismes a priori, ne songeons pas, à notre tour, à endoctriner le peuple. Ne tombons pas dans la contradiction de votre compatriote Martin Luther, qui après avoir renversé la théologie catholique, se mit aussitôt, à grands renforts d’excommunications et d’anathèmes à fonder une théologie protestante. Depuis trois siècles l’Allemagne n’est occupée que de détruire le replâtrage de M Luther ; Ne taillons pas au genre humain une nouvelle besogne par de nouveaux gâchis….Faisons nous une bonne et loyale polémique ; donnons au Monde l’exemple d’une tolérance savante et prévoyante, mais parce que nous sommes à la tête du mouvement, ne nous faisons pas les chefs d’une nouvelle religion ; cette religion fut elle la religion de la logique, la religion de la raison. Accueillons, encourageons toutes les protestations ; flétrissons toutes les exclusions, tous les mysticismes ; ne regardons jamais une question comme épuisée, et quand nous aurons usé jusqu’à notre dernier argument, recommençons s’il faut, avec plaisir dans votre association, sinon, Non……. »
Commentaire :
Si j’ai choisi de revenir sur cet échange entre deux « pères fondateurs », l’un du Socialisme autoritaire, l’autre du Socialisme libertaire et plus exactement de l’Anarchie et du Fédéralisme anarchiste , c’est que cette correspondance illustre l’opposition radicale qui existe entre les deux visions d’une Société plus juste, d’une morale servant de fondement à l’action , d’une philosophie du Pouvoir et de l’Individu.
Certes, il s’agit aussi d’une rivalité entre deux hommes à forte personnalité, conscients de leur influence dans le Mouvement ouvrier de l’époque, mais , même si la forme des deux lettres échangées est « diplomatique », il ne peut y avoir de « compromis », de « petits arrangements » sur le fond.
Et la controverse engagée alors est toujours aujourd’hui, illustrée par 150 années d’Histoire, au centre des réflexions sur ce que pourrait être une organisation de la Société et de l’Economie sortant du Capitalisme oppressif des organisations gigantesques des Multinationale de la finance , de la production et du commerce et mettant hors d’état de nuire les oligarchies militaro étatiques à leur service , qui imposent aux populations du Monde comme une fatalité irréversible leur loi de la jungle .
Quelles oppositions radicales peut on déceler dans ces deux missives, oppositions toujours actuelles.
1 Faire nombre.
Marx propose à Proudhon d’être son « correspondant » sans expliciter aucun des éléments de sa vision du Socialisme, comme si l’affaire allait de soi. Il ne semble préoccupé que de l’aspect « recrutement » pour la diffusion de ses idées, l’ « endoctrinement », et l’accroissement du nombre d’adhérents à son Association.
Proudhon lui répond qu’avant de se lancer dans la propagande et la recherche d’adhérents, il faut un sérieux travail de préparation quant à ce qu’on entend par « Socialisme » ; Dans ce but toutes les propositions doivent être acceptées, passées au crible de la critique , y compris dans le cadre d’une « polémique franche et loyale »
Ce souci de faire du chiffre, de jouer les sergents recruteurs sans se préoccuper de pédagogie, de faire nombre en jouant sur « l’autorité d’entraînement » et le mimétisme communautaire est évidemment à l’opposé des valeurs de l’Anarchie proudhonienne, pour laquelle l’individu , être social engagé dans les relations solidaires de production et d’échange dans la collectivité, (la force collective) est prééminent.
2 Le Dogmatisme
Ce souci de Proudhon de ne pas se lancer à l’aveugle dans une aventure de type religieux, de ne pas vouloir imposer un nouveau « dogme » en lieu et place du dogme de la « féodalité industrielle et mercantile » , alors que ni lui ni Marx ne peuvent prétendre détenir la vérité en ce domaine comme en tout autre, confirme le respect qu’il porte à l’individu en tant que tel. Nous n’allons pas faire de petits soldats. Nous n’allons pas jouer les porte drapeaux d’une nouvelle religion. L’exemple de Luther est éclairant. Après avoir soulevé les paysans allemands contre leurs oppresseurs féodaux en promettant la liberté « protestante » contre la « servitude catholique », Luther , soucieux de rester du coté de la hiérarchie sociale et des privilèges du pouvoir, les fit massacrer..
Qui, encore aujourd’hui, après Marx, Lénine, Staline (le « petit père du peuple » a toujours son culte en Russie capitaliste) , Trotski, Mao et consorts pourrait nier que Marx n’ a malheureusement fait que donner naissance à une véritable religion, avec tous ses attributs : catéchisme, ligne politique, dénonciations, excommunications, élimination des opposants « hérétiques », confessions publiques de ses péchés avant la mise à mort..
Et, suprême « attentat contre le cerveau » , dirait Blanqui, ce dogme marxiste a porté le drapeau de la logique , de la raison.
Le comportement au quotidien
Quand on lit , dans la lettre de Marx, les propos qu’il tient pour dénoncer son compatriote Grùn réfugié à Paris et en relation avec Proudhon, on est édifié sur la pratique « marxienne » au quotidien dans les relations d’individu à individu. La délation n’est qu’un moyen « réaliste » pour aboutir à ses fins. …
« C’est un dangereux parasite… et pour tenter de provoquer l’orgueil de l’interlocuteur : « …Il se prétend votre professeur.. ; »
De même, Bismarck est notre allié « objectif » pour « écraser ces maudits ouvriers de la Commune de Paris, et ainsi donner toute sa force à notre « dogme » socialiste contre les néfastes influences de la pensée de Proudhon.
Il faut mettre Bakounine « hors d’état de nuire » , lui qui prétend remplacer le « Prophète » du Socialisme , Marx. Et d’abord on prononcera son « excommunication ».
La encore, aujourd’hui, ce comportement indigne, contraire à toute morale humaine, est le lot de ceux qui se réfèrent à Marx et au marxisme. Ceux qui ont fait repentance ( 6 ), après la chute de l’URSS sont les plus actifs en ce domaine . Avides de reconnaissance de la part de leurs nouveaux maîtres et des avantages qui en découlent, ils endossent avec gloriole l’uniforme du renégat compétitif . Quant à ceux qui veulent garder leur foi marxienne et, criant à la trahison de leur prophète, tentent d’ »actualiser » sa morale, ils ont l’excuse d’avoir à rendre des comptes à Satan, puisqu’ils l’ont appelé à l’aide : « Errare humanum est, Perseverare diabolicum ». Mais dans les deux cas leur comportement au quotidien, dans leurs relations avec les autres, est demeuré fidèle à la morale de Marx
Notes :
(1) Edouard Dolléans : « Histoire du Mouvement Ouvrier » Tome 1 page 357
(2) Edouard Dolléans. Opus cité Tome 1 page 358
(3) Edouard Dolléans Opus cité Tome 1 page 359
(4) Pierre Haubtmann « Pierre Joseph Proudhon ». Sa vie et sa Pensée . 1809 – 1849. pages 622, 623 Editeur : Beauchesne Paris
(5) Pierre Haubtmann Opus cité pages 626 627
(6) Spinoza. « l’Ethique » ; La repentance est le redoublement de la faute…