« L’Ecole du Scandale »
« Personne ne peut atteindre tout à fait à la vulgarité des gens super raffinés. »
(Mark Twain)
En 1951, dans la revue Caliban, Camus jugeait sévèrement les journalistes et les intellectuels, professionnels du « scandale et de la délation ». Il évoquait avec douleur la trahison des élites responsables de la mort des sociétés. Cette mort, due à la bêtise et à la vulgarité de ceux qui s’arrogent le droit d’imposer un pouvoir qui n’est que celui délégué par d’autres et qui sont confortés dans leurs actions par une presse composée de « journalistes policiers ». C’est vers une sorte d’esclavage, de servitude qu’une « presse déshonorée » conduit la société.
Quant aux « élites » dont parle Camus, elles montrent, en mai 2011, leur capacité à remporter la victoire dans le grand concours du « scandale et de la délation ». Un propriétaire du journal « Le Monde » traite d’ « immonde » un article de son journal, sous prétexte qu’il contient une critique d’un ancien président de la république, ami dudit propriétaire. Et il ajoute : « Payer sans avoir de pouvoir est une drôle de formule… ». Son acolyte, également actionnaire du même journal déclare que lorsqu’un journal « l’emmerde » (sic), il en achète une part. Enfin, toujours en ce joli mois de mai, l’ancien président du Conseil de surveillance du même journal (de référence) et qui « conseille » l’actuel président de la république, s’en prend à un député, auteur d’une brochure critique à l’endroit de l’Europe et de la mondialisation, il qualifie les propos de l’auteur de « débilités » et le classe dans la catégorie des « connards anti européens » (sic). Enfin, pour ne pas être en reste en matière de délation, un philosophe, ancien ministre de l’éducation, dénonce, sur une chaîne de télévision, les débauches d’un de ses prédécesseurs, ministre également, tout en dissimulant son nom et celui de son informateur, lui aussi « au sommet de l’Etat ».
On voit qu’aucune des conclusions de Camus sur ce qu’est la presse et ce que sont les «élites », journalistes, écrivains ou philosophes, sur ce que sont devenus les média massifiés, uniformisés, concentrés et exprimant indistinctement la bêtise, le scandale et la délation n’est à modifier.
Les journalistes de 2011 sont toujours prêts à toutes les compromissions pour l’argent ou la notoriété. Ils sont au-delà même de la notion de compromision puisqu’ils sont les serviteurs des puissantes, des « conquérants », disait Camus, dans le journal « La Gauche » 20.12.1948. Le conquérant nie l’existence de « l’autre ». Ce qu’il cherche, « ce n’est pas l’unité qui est avant tout l’harmonie des contraires, c’est la totalité qui est l’écrasement des différences… ».
Cette vision pessimiste de Camus, craignant une forme de renoncement, d’abandon, de soumission à un maître, venait en contre point à son appétit pour le combat pour la justice et l’autonomie, la force, la personnalité de l’individu. Pour lui, « la révolte, c’est la vie ».
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